L’ingénierie de la règle

1. Comprendre l’enjeu de la règle (nature)
— La force de la règle (validité & source)
— Le mécanisme de la règle (structure & fonction)
2. Anticiper l’exécution de la règle (aménagement)
— La compréhension de la règle (légitimité & interprétation)
— L’application de la règle (respect & sanction)
3. Assurer l’efficacité de la règle (effet)
— L’élaboration de la règle (intérêt & contenu)
— L’énonciation de la règle (rédaction & formulation)

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1. Interdire la pluie. Le 14 février 2018, Serge Rondeau, facétieux maire de Challans en Vendée, ayant fort justement considéré que « la pluie s’[était] suffisamment invitée en journée », prit un arrêté « portant obligation d’ensoleillement toute la journée du lundi au dimanche et de pluie 3 nuits par semaine ». Cet arrêté — dont l’exécution avait pourtant été confiée au commandant de la brigade territoriale de gendarmerie, ainsi qu’au responsable de la police municipale (article 3) — ne fut jamais appliqué, et pour cause ! Nul ne sait commander aux éléments : le vent et la pluie demeurent hors de portée de toute puissance humaine1Les autorités chinoises ont pourtant mis en place un programme de modification de la météo, qui devait exemple permettre de crever les nuages avant la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de 2008. « Le principe repose sur la dispersion de particules d’iodure d’argent ou d’azote liquide pour délester les nuages de leur humide cargaison. En cet été olympique, la mission peut être d’éviter la pluie en un point, ou au contraire de déclencher des précipitations qui tenteront de nettoyer un peu de la lourde pollution ambiante. » (Arnaud DE LA GRANGE, « Ils chassent les nuages du ciel de Pékin », Le Figaro [en ligne], 29 juil. 2008).. Mais en prenant pour objet cet impondérable qu’est la météo, l’arrêté laisse entrevoir par différence tout ce sur quoi l’humanité a prise — et qui est considérable2C’est la différence entre les règles-régularités et les règles-conventions. « Ainsi, les règles énoncées à propos des événements du monde sont-elles des régularités qui ne peuvent valoir que comme hypothèses explicatives. / Tout autres sont les règles au sens du jeu d’échecs. Lorsque je dis que le fou se déplace en diagonale, je ne formule pas du tout une hypothèse sur la relation causale entre deux événements ; je ne dis pas du tout quelque chose sur le monde, je ne décris pas une régularité : j’énonce la prescription d’un usage déterminé d’une pièce du jeu d’échecs. Cette prescription ne résulte pas d’une observation anthropologique (« dans tous les cas que j’ai observés, les hommes déplacent le fou en diagonale »), mais d’une convention instituée. » (Mark HUNYADI, « Acteur ou agent : les usages de la règle », Revue européenne des sciences sociales, Tome XXXIX, 2001, n° 121, pp. 31-40, spéc. p. 33, n° 8-9)..

2. Révéler les automatismes. Si l’on occulte les phénomènes physiques, biologiques ou naturels, tout sur Terre dépend des Hommes. Ce sont les langues, les opinions et les valeurs, autant que les attitudes, les comportements et les pratiques — en somme toutes les manifestations de la nature humaine — qui ont façonné et façonnent encore le monde tel qu’il existe. Tout ce qui chaque jour s’accomplit sur la planète découle de modes d’action et de pensée propres à des êtres humains — usages qui, par conséquent, sont modifiables par les Hommes eux-mêmes. Les êtres n’agissent pas au hasard. Leur conduite obéit à des déterminismes, instinctifs pour la plupart mais que la science révèle patiemment : l’inconscient, le mimétisme, la socialisation, etc. De plus en plus, on entrevoit que le psychisme fonctionne sur un mode mécanique, fort complexe il est vrai.

3. Interroger les motivations. Est-ce le règlement intérieur du collège qui fait mouvoir les élèves ou plutôt l’imitation des camarades ? Est-ce la fiche de poste des collaborateurs qui détermine leur façon de travailler ou bien la culture d’entreprise ? Il est évident que l’essentiel des fils qui actionnent la marionnette des êtres en société relèvent de lois non-écrites — soit inconscientes (car ignorées), soit tacites (car sous-entendues), soit tues (car immorales). Au quotidien, les motivations et intentions des individus sont occultées, de même que leurs besoins et réflexes. S’en suit une remarquable déperdition entre la norme et son application, entre la théorie et la pratique3Cf. « L’Ordre GENDELETTRE (comme Gendarme) s’étant constitué en société pour défendre ses propriétés, il devait en résulter, ce qui résulte en France de beaucoup d’institutions, une antithèse entre le but et les résultats : on pille plus que jamais les propriétés littéraires. » (Honoré DE BALZAC, Les journalistes. Monographie de la presse parisienne, 1842, Paris, éd. Bureau central des publications nouvelles, p. 1). — par pure méconnaissance des mobiles, coupable mépris des réalités et paresseuse inconséquence du régulateur.

4. Modeler les comportements. Personne n’agissant au hasard, il faut bien que des nécessités président à l’action des individus. D’ailleurs, la causalité est une grande loi de ce monde — laquelle postule que toute cause produit un effet, qu’aucun effet n’est dépourvu de cause et que rien ne se produit sans raison. Ainsi en est-il des comportements humains, dont les causes sont cependant multiples, diffuses, invisibles. Les intérêts et les automatismes existent pourtant qui font l’objet des sciences humaines et deviennent désormais un objet de connaissance. Progressivement, il apparaît que la nature humaine est régie par des règles qui — une fois connues et déterminées — sont modélisables, du moins prévisibles ou aménageables. Le lecteur aura compris qu’à travers l’ingénierie de la règle, il s’agit d’appliquer le raisonnement juridique aux conduites humaines.

5. Favoriser la coopération. Le fonctionnement des sociétés et des organisations repose sur la coopération entre les individus. C’est même leur raison d’être que de faire participer d’innombrables personnes aux mêmes activités, de les faire concourir ensemble — bien souvent sans se connaître ni se croiser — à des objectifs collectifs : l’entreprise, la politique, l’éducation, la santé. S’appuyant sur des fictions partagées et des jeux sociaux, ces structures réussissent le tour de force de faire collaborer des gens qui ont des ambitions divergentes, voire ambiguës — chacun faisant sa part du labeur commun en poursuivant son intérêt propre. Ce panorama idyllique ne saurait faire oublier que l’intérêt général en sort rarement victorieux. Le souci de rentabilité et les luttes de pouvoir corrompent tout — et il advient que l’on détruise au lieu de construire, que l’on anéantisse au lieu de créer.

6. Ciseler la règle. Que peut la règle — ce banal énoncé plus ou moins contraignant — contre la déliquescence des temps présents ? Tout. Le droit, la morale, la politique, les affaires, la religion, le sport, et même la conversation, la séduction ou la sexualité : tout ce qui constitue l’occupation des êtres humains implique des jeux croisés de règles, tels les conventions sociales, le code pénal, les modes d’emploi ou le bon sens (qui n’est jamais qu’un ensemble de règles d’interprétation de la réalité). Par conséquent, les dysfonctionnements du monde actuel résultent de mauvaises règles, mal écrites, mal pensées ou obsolètes. Il faudrait que des gens raisonnables — peut-on dire les choses autrement ? — se mêlent un peu de l’écriture de la règle du jeu social, qu’ils appliquent à leur champ d’action l’ingénierie de la règle :

  • commencer par démonter la mécanique de la règle pour en cerner l’étendue (savoir quels comportements peuvent être traduits en normes et ceux qui doivent en être exclus) (1) ;
  • ensuite anticiper l’exécution de la règle pour en fixer toutes les modalités d’application (imaginer les comportements et leurs conséquences, pour limiter les angles morts et les injonctions contradictoires) (2) ;
  • enfin optimiser l’écriture de la règle pour en assurer l’efficacité (concevoir la structure de la règle, puis la rédiger sous forme d’un énoncé clair et accessible) (3).

7. Liste de sortes de règle. Mais avant de dérouler toute une théorie de la règle qui laisserait le lecteur perplexe, il n’est pas inutile d’en donner quelques exemples, de rappeler toute la diversité des types de règles qui gouvernent la vie sur Terre. Voici donc, de manière parfaitement aléatoire, une liste non-exhaustive des sortes de règles actionnant les Hommes ou des domaines qu’elles régissent : les règles grammaticales, les gestes d’un sport, la notation musicale, les règles d’un jeu, les usages du monde, le raisonnement scientifique, les idées préconçues, les phrases toutes faites, les réactions convenues, l’enquête policière, la consultation médicale, la séduction amoureuse, la conversation entre amis, les préceptes moraux, les bonnes mœurs, les habitudes de vie, les pratiques professionnelles, le code de la route, les genres cinématographiques, une charte graphique, un code typologique, un contrat de travail, les statuts d’une association, la représentation cartographique, l’établissement d’une chronologie, la structure d’un opéra, l’organisation d’un repas, la tenue d’une réunion, une partie de tarot, le tricotage d’une écharpe.

1. Comprendre l’enjeu de la règle

8. La nature de la règle. Qu’elle soit géométrique ou sociale, la règle est un outil destiné à s’assurer de la rectitude — c’est-à-dire de la droiture — du tracé dans le premier cas, de l’attitude dans le second. L’idée commune est la nécessité de trouver des repères pour guider sa liberté : le mouvement de la main qui dessine, autant que la volonté de la personne qui agit. Dans toute société, une règle est un comportement — positif (action) ou négatif (abstention) — érigé en modèle à suivre : dans la pureté des principes, une règle est un modèle de comportement assorti d’une sanction. Cette norme de conduite sociale ne vise pas qu’à régler (diriger et conduire) les agissements des individus, mais bien à réguler (contrôler et corriger) la vie en société, autrement dit le fonctionnement d’un groupe humain. Ce modèle auquel chacun doit se conformer (adopter et reproduire) n’est pas simplement un exemple (une possibilité) mais un devoir (une contrainte). La force de la règle (1.1) en tant que pratique à imiter tient à la solidité de son mécanisme (1.2) : le déclenchement d’une sanction en cas d’inobservation de l’interdiction (abstention) ou de l’injonction (action).

1.1. La force de la règle

9. La validité de la règle. Opposée à la caducité comme à la nullité, la validité désigne un état particulier de la règle : celui de sa pleine puissance, depuis son entrée en vigueur jusqu’à sa disparition — par exemple depuis la promulgation de la loi jusqu’à son abrogation. La temporalité de la règle (applicable de telle à telle date) s’articule avec sa territorialité (applicable à tel territoire ou à telle organisation) et son domaine (applicable à telle matière ou à telle opération). Toutes les règles ne s’appliquent pas partout, tout le temps et à tout le monde : elles sont toujours limitées à leur champ d’application (qui en constitue l’étendue) — un champ d’application triple que l’on doit penser comme tel en rédigeant la règle, à la fois temporel, territorial et matériel. Car il n’est de validité et, plus encore, de légitimité qu’à l’intérieur du champ de la règle.

10. Une règle est valide lorsque sont réunies certaines conditions tenant à la compétence de l’autorité (ministre, arbitre) relativement à l’édiction de cette norme (l’autorité a le droit d’agir), conditions qui doivent être remplies dès la création de la règle (dans le cas contraire, elle est frappée de nullité) mais aussi tout au long de son application (lorsqu’une condition disparaît par la suite, la règle devient caduque). Ces conditions dépendent de l’origine de la règle, de sa source, dont le processus d’élaboration découle : consultation, rédaction, publication (l’élaboration d’un règlement) ou simplement une émergence diffuse et spontanée (l’apparition d’un usage). Lorsque ces conditions sont remplies, la règle est fondée dans sa capacité de contrainte. Dès lors, son inexécution pourra faire l’objet d’une sanction — laquelle dépend de la source de la règle et participe avec elle de son efficacité. À elle seule, la pleine vigueur de la règle ne suffit pas à en assurer le respect ; il faut qu’un contrôle (ou l’éventualité du contrôle) lui donne toute son énergie.

11. La source de la règle. Avec la sanction, l’origine de la règle commande à sa fermeté. En ce sens, il n’est pas certain que la règle juridique soit la plus sévère entre toutes : les coteries et mafias ont des justices plus expéditives que beaucoup d’États… Si la règle est toujours un modèle de comportement — c’est-à-dire un énoncé général (il s’applique à tous), permanent (il s’applique en continu) et obligatoire (il s’applique sous contrainte) —, l’origine de la règle lui imprime sa marque : elle en dévoile la visée (préserver l’intérêt général, assurer le fonctionnement d’une communauté, organiser une partie de jeu) et en indique le domaine d’application (vie publique, vie privée, vie intérieure). Règle juridique (la loi), règle sociale (l’usage), règle religieuse (le commandement) : trois exemples de règles à la source propre (le Parlement, le peuple, la Bible), au contrôle spécifique (la Justice, l’opinion, l’Église) et à la sanction particulière (l’amende, la critique, l’excommunication).

12. Toute la complexité du monde social réside dans le fait qu’à chaque instant, dans toute situation, coexiste et s’applique une multitude de règles d’origine et de force très hétérogènes. L’origine de la règle — qui désigne sa source (le simple savoir-vivre ou un règlement intérieur) et l’entité qui l’a édictée (un comité ou un chef) — conditionne son caractère impératif : la morale publique n’est plus réellement contraignante, contrairement au code de la route. Mais la force de la règle est plus incertaine, qui renvoie non pas à son efficacité — sa capacité à faire advenir ce qu’elle énonce — mais à l’adhésion plus ou moins spontanée des sujets à la règle, à l’assentiment du groupe concerné (on use parfois de l’affreuse expression d’acceptabilité sociale). Le consentement à la règle — personnel ou collectif — conditionne évidemment son degré d’application (lequel rejaillit sur son efficacité) et dépend de la valeur perçue de la règle (sa validité autant que sa légitimité). À ce titre, la force de l’habitude est décisive, de même que la commodité (la facilité à appliquer la norme), sans compter que le respect de la règle est toujours confortable moralement…

1.2. Le mécanisme de la règle

13. La structure de la règle. Les termes d’ingénierie et de mécanique convoquent un imaginaire technique qui peut agacer certains humanistes (ou qui se croient tels). Comme si la liberté de l’Homme devait se mouvoir dans la plus complète fluidité ! Les déterminismes et conditionnements sont le lot de la nature humaine, qui n’entament en rien l’autonomie du libre-arbitre, bien au contraire — l’autodiscipline est la vraie teneur de la liberté. Les lois et règles qui régissent l’humanité peuvent être utilisées à son profit si l’on en acquiert une science suffisante. Que les règles du jeu la vie sur Terre soient fort complexes, nul n’en disconvient. Mais était-ce une raison suffisante pour ne pas en entreprendre la rédaction ? Jusqu’à une période assez récente de l’histoire (le XVIIe siècle), les êtres humains se sont contentés de jouer à un jeu (l’existence), sans avoir pleinement conscience que d’innombrables relations de cause à effet les poussaient vers l’avant. Les siècles suivants ont révélé tout le jeu de règles — d’abord biologiques et naturelles, puis culturelles et sociales — qui anime le monde des êtres et des choses.

14. Avec Freud, Lévi-Strauss et Bourdieu, le XXe siècle a compris que le monde est fait de jeux4« Postuler l’existence d’un ensemble inconscient de règles gouvernant nos activités pour rendre compte de certaines régularités de comportement est à mon sens, d’un point de vue méthodologique, une étrange affaire, bien qu’exerçant indubitablement sur nos esprits un grand pouvoir d’attraction. La psychanalyse freudienne, mais aussi l’anthropologie structurale de Lévi-Strauss ou la sociologie de Bourdieu nous ont rendu familière l’idée générale d’une causalité inconsciente gouvernée par des règles « insues », c’est-à-dire échappant à la conscience des individus. Elles ne l’ont pas rendue claire pour autant. » (Mark HUNYADI, « Acteur ou agent : les usages de la règle », Revue européenne des sciences sociales, Tome XXXIX, 2001, n° 121, pp. 31-40, spéc. p. 37, n° 17)., que régissent des règles invisibles5L’étude de la langue est d’ailleurs fort révélatrice de ces modèles inconscients. « Les êtres humains vivent dans la réalité qu’ils se sont forgée et dont les cultures, notamment la langue, se font l’écho. Ainsi, le concept de « jeu social » — qui est bien une invention moderne — trouve de nombreuses correspondances dans le langage courant : jouer le jeu, se prendre au jeu, sortir le grand jeu. » (Valérie DEBRUT, « Les jeux sociaux dans la langue française », écrire la règle du jeu [en ligne], 27 fév. 2019, n° 4).. Ce que le XXIe siècle pressent, c’est que non seulement on peut décrire ces règles cachées, mais qu’en outre on peut les réécrire, que l’on peut changer la règle du jeu (les usages, les pratiques, les mentalités). Toute règle bien pensée repose sur un mécanisme binaire « cause / conséquence », sur une relation « condition / effet » : si telles conditions sont réunies, tels effets se produiront. Mais contrairement aux lois naturelles (dont la causalité est présumée sans intention comme étant le simple fait de la nature), les lois humaines — sociales ou culturelles — instaurent un lien d’imputation qui est bien le fait des Hommes et, par conséquent, elles sont modifiables par eux. Ces règles imputent à certains comportements certaines conséquences (sanction ou avantage) ; elles attribuent une responsabilité ou une récompense à l’auteur de certains actes, au sujet qui adopte ou rejette le comportement prévu par la règle.

15. La fonction de la règle. Destinés à orienter les comportements par la promesse d’une récompense ou la menace d’une sanction, tous ces liens d’imputation qu’aménagent les règles du jeu social ont vocation à servir de leviers d’action — raison pour laquelle l’ingénierie de la règle participe pleinement de l’art de l’influence. La règle a pour fonction de pousser les gens à agir de telle ou telle façon ; inversement, (quasiment) tout ce qui vous fait agir est constitutif d’une règle, tacite le plus souvent. Qu’est-ce qui vous fait parler, marcher, bouger de telle façon, si ce ne sont les modèles de comportement que vous avez adoptés ou imités — avec cette promesse d’appartenir au groupe (suivre la règle) ou cette menace d’en être exclu (rejeter la règle) ? Si l’influence des autres est considérable dans l’existence — qu’elle soit nécessaire (socialisation), choisie (mimétisme), ou subie (contrainte) —, c’est que les êtres vivent dans un dense réseau de règles, dans un tissu invisible de normes qui décide de tout : les attitudes, les usages, les mentalités.

16. L’utilité de la règle est d’être un vecteur d’influence, un instrument de régulation donc, mais aussi un outil de prévision : la règle concourt à orienter dans un sens prévisible les comportements des uns et des autres, en les incitant à agir d’une certaine façon. Toute règle se veut le garant d’un ordre supérieur : l’ordre public, la marche du monde, le sens du jeu. Au reste, l’essence de la règle est d’abord et avant tout de dire, de signifier, de rappeler le juste. La règle n’agit pas uniquement comme un modèle, elle est aussi une limite : elle place des bornes à l’injuste, à ce qu’une société particulière considère comme tel. Cette idée du juste — qui peut s’entendre de l’harmonie, de l’efficacité, de la résistance — gouverne toute la vie en commun (le juste milieu, la juste peine, le juste prix). Qu’est-ce qu’un préjugé, sinon une règle d’interprétation ? Qu’est-ce qu’une pratique, sinon une règle d’exécution ? Qu’est-ce qu’une locution, sinon une règle d’expression ? La règle est omniprésente, insidieuse et têtue. En voici quatre exemples, parmi tant d’autres.

(1) L’utilisation d’anglicismes donne des apparences de sérieux.
Domaine : la communication. Source : la mode. Sanction : le dédain. Force : moyenne.

(2) Dans une file d’attente, on patiente jusqu’à ce que son tour arrive.
Domaine : l’espace public. Source : l’usage. Sanction : l’engueulade. Force : importante.

(3) Les salariés doivent bénéficier d’un repos quotidien d’au moins onze heures consécutives.
Domaine : l’entreprise. Source : la loi. Sanction : les dommages et intérêts. Force : variable.

(4) La prise d’une décision importante nécessite la consultation de conseillers.
Domaine : la politique. Source : la pratique. Sanction : le discrédit. Force : faible.

2. Anticiper l’exécution de la règle

17. L’aménagement de la règle. Toute règle est conçue (ou spontanément adoptée) pour être appliquée. Avant d’être théorique, une règle est pratique et — si elle s’appuie nécessairement sur un fond d’idéologie (elle décline toujours une des grandes fictions qui scelle la société) —, la règle n’en demeure pas moins pragmatique : son office est de considérer des faits et de régir des actes — les paroles (locutions) et pensées (préjugés) entrant, de ce point de vue, dans le champ d’action de la règle sociale. Aux lecteurs peu versés dans l’analyse juridique (il y en a peut-être), la distinction entre l’exécution et l’efficacité de la règle apparaît sans doute forcée. C’est qu’une règle peut être exécutée sans pour autant être efficace, tandis que l’inverse ne se conçoit pas : la règle qui n’est pas appliquée (2.2) — parfois simplement parce qu’elle n’est pas comprise (2.1) — n’a guère de chance d’être efficace, c’est-à-dire de faire advenir dans la réalité ce qu’elle prévoit dans la théorie. C’est pourquoi, en amont de l’écriture, on doit procéder à l’aménagement de la règle, qui n’est pas sa modification (laquelle est en fait un réaménagement) mais son ordonnancement — au sens où le créateur ordonna le chaos pour créer le monde. Concept un peu sibyllin que l’on exposera ainsi : mobiliser — dans les catégories mentales d’une société donnée — les évidences et automatismes, c’est-à-dire les désignations et critères pertinents en la matière ; puis les connecter ensemble à l’aide d’un raisonnement logique, pour que l’application de la règle entraîne la modification du réel attendue.

2.1. La compréhension de la règle

18. La légitimité de la règle. Si nul n’est censé ignorer la loi6Cet adage (« nemo censetur ignorare lege ») fonde la présomption de connaissance de la loi par les citoyens, laquelle dispense l’accusation d’avoir à prouver cette connaissance (et empêche le contrevenant de s’extraire de sa responsabilité en prouvant son ignorance de la règle violée)., chacun doit au moins pouvoir la comprendre ; sinon comment s’étonner que tant de règles ne soient tout simplement pas appliquées ? Mais d’abord, pourquoi distinguer entre l’exécution et l’application de la règle, la seconde n’étant qu’une division de la première ? Dans la langue courante, on applique une règle mais on exécute un ordre. La différence est d’abord de point de vue : l’exécution s’observe de l’extérieur (par celui qui a donné l’ordre et non celui qui l’exécute) ; l’application s’appréhende de l’intérieur (par celui qui applique la règle et non celui qui l’a élaborée). Ensuite, l’exécution suppose une plus grande énergie que l’application, une plus grande vigueur, également une certaine efficacité : on peut appliquer une méthode (même avec diligence) sans qu’elle ne produise ses effets. Or ce dont il s’agit à ce stade, c’est bien d’anticiper l’exécution de la règle, de tout faire dès l’origine pour qu’au final, l’application de la règle conduise au changement espéré.

19. Tout bien pesé, ce qui compte dans l’exécution, c’est le résultat (le fond, c’est-à-dire l’esprit de la règle), alors que l’application se soucie plus du moyen (la forme, c’est-à-dire la lettre de la règle). Où l’on en vient à la question fondamentale de la légitimité de la norme, laquelle n’est pas sa légalité (la conformité à la loi, au droit, donc à l’ordre) mais le bien-fondé de la règle (sa conformité à l’équité, à la sagesse, donc à la justice)7Cf. la distinction, parmi les « usagers » de la règle, entre les acteurs et les agents. « […] est acteur celui pour qui la règle est une raison d’agir ; est agent celui pour qui la règle agit comme cause de son agir. » (Mark HUNYADI, « Acteur ou agent : les usages de la règle », Revue européenne des sciences sociales, Tome XXXIX, 2001, n° 121, pp. 31-40, spéc. p. 35, n° 14). « […] la posture la plus habituelle face aux règles sociales en général consiste à accepter la condition d’agent, donc à être un acteur qui se sait en position d’agent : ainsi le système salarial qui structure l’ensemble de notre mécanique sociale fait-il de la majorité des sociétaires des agents d’un système qu’ils n’ont jamais à proprement parler choisi, et que personne (aucune personne individuelle) n’a le pouvoir de réformer. » (Ibid., p. 36, n° 36).. La raison d’être de la règle doit apparaître comme évidente aux yeux de tous, de même que son mécanisme doit sembler logique et sa sanction proportionnée. Une règle sera d’autant plus facilement acceptée et appliquée qu’elle sera une bonne règle, une règle claire, équilibrée et vertueuse — il y aurait beaucoup moins de fraudes et d’anomalies si les lois étaient bien faites, faciles à comprendre, faciles à appliquer. C’est pourquoi la légitimité de la règle doit être réelle (dans toutes ses applications, ses effets doivent être indiscutables), mais également apparente (chacun doit intuitivement percevoir le bien-fondé de la règle).

20. L’interprétation de la règle. Quelle que soit sa source, toute règle est un énoncé abstrait qui régit des situations concrètes. Par conséquent, l’énoncé est général (la formulation de la règle) alors que la situation est particulière (la destination de la règle). Pour passer de l’un à l’autre, de la théorie à la pratique (également du droit au fait), on doit interpréter la règle, préalable incontournable à toute application. Or l’interprétation est une sorte de traduction — entre explicitation et décortication — qui fait intervenir l’intelligence humaine, ses capacités d’induction et de déduction. Interpréter, c’est servir d’intermédiaire entre la règle et la réalité, c’est-à-dire trouver des correspondances entre les catégories mentales auxquelles se réfère la règle et les transposer aux personnes et aux objets qui constituent la situation considérée. Autrement dit, c’est qualifier les éléments de fait visés par la règle en les sélectionnant et en leur appliquant les catégories mobilisées par la règle. En somme, c’est savoir reconnaître une fourchette, l’identifier comme telle et la ranger dans le bon tiroir (en vertu de la règle « une place pour chaque chose et chaque chose à sa place »).

21. Intuitive dans la vie quotidienne, l’interprétation de la règle obéit dans la vie intellectuelle à des règles confuses, que l’on présente de manière savante mais que le bon sens rectifie continuellement. D’abord, l’interprétation suppose la maîtrise du langage, laquelle renvoie à l’interprétation littérale de la règle (comprendre l’énoncé). Ensuite, l’interprétation implique de posséder — outre le sens commun — la culture du domaine auquel ressortit la règle (comprendre le contexte). Enfin, l’interprétation nécessite de connaître les types de liens qui structurent la règle (comprendre le mécanisme). Ces modes d’articulation des divers éléments (objets, personnes, actions) appartiennent à la logique commune : l’inclusion (dans) ou l’exclusion (sauf), la condition (si) ou le terme (quand), l’analogie (comme) ou la distinction (contrairement à), le raisonnement a fortiori (d’autant plus) ou le raisonnement a contrario (à l’inverse). Selon les intérêts en jeu et la bonne foi des protagonistes, on fera de la règle une interprétation extensive (appliquer une règle à un cas non prévu mais semblable — par analogie) ou restrictive (retrancher un cas du champ de la règle en s’appuyant sur une différence — par distinction). Certains raisonneront selon une interprétation littérale (en respectant la lettre du texte), quand d’autres argueront d’une interprétation exégétique (en s’attachant à l’esprit de la règle) ou systémique (en combinant plusieurs règles entre elles).

2.2. L’application de la règle

22. Le respect de la règle. L’application de la règle n’est jamais purement mécanique. Certes, elle s’appuie sur le syllogisme, raisonnement logique en trois propositions — la prémisse majeure (la règle), la prémisse mineure (le fait) et la conclusion (l’application) — qui permet de déduire la dernière proposition des deux précédentes, en l’occurrence de fonder en droit ou en équité l’exécution d’une obligation ou le prononcé d’une sanction. Mais, à dire vrai, tout le raisonnement fait intervenir l’intuition, parfois le flair, également le sens pratique, tant il est nécessaire d’adapter la fiction à la réalité, de concilier la fantaisie du monde avec la rigueur de la norme. La mise en œuvre de la règle doit parvenir au résultat escompté : soit l’adoption spontanée du comportement prescrit, soit le prononcé de la sanction prévue par la règle — sanction punitive pour le contrevenant, dissuasive pour les autres. Modifier le monde : la finalité de la règle est très ambitieuse — si tout était parfait, on n’aurait pas besoin de légiférer — mais les moyens dont dispose la règle sont finalement très limités : la récompense, l’exécution forcée ou la sanction.

23. L’application de la règle doit conduire à traduire l’énoncé en acte : effectuer telle démarche (une formalité), réaliser telle opération (un paiement), exécuter telle manœuvre (une réparation). C’est un fait : la mise en pratique de la règle modifie toujours la réalité. Mais il est rare que soit fait (réalisé) exactement ce qui a été dit (prescrit). Même avec la meilleure volonté, on ne peut pas toujours respecter toutes les règles auxquelles on est pourtant soumis. Inévitable quand le droit est pléthorique, l’ignorance de la règle, mais également les injonctions contradictoires, plus simplement le manque de temps ou de moyens conduisent les individus à des comportements contraires aux prescriptions — sans compter que l’intention de l’auteur de la règle n’est pas toujours claire et que la marge de manœuvre laissée dans l’exécution de la norme peut engendrer des malentendus. On ne le dira jamais assez : il faut que la règle soit commode, que le droit chemin soit praticable, que la vertu soit à portée de main. Et pour cela, il est nécessaire que le régulateur soit un peu philosophe, qu’il ait lu les moralistes, qu’il connaisse le genre humain.

24. La sanction de la règle. Avant d’être une punition (ce qui est son sens courant), la sanction est un acte d’autorité, acte d’approbation ou acte de validation — le verbe latin sancio signifie même « vouer aux dieux », avec cette idée de consacrer, mais également de ratifier. S’agissant de la règle, la sanction est la peine ou la récompense destinée à en obtenir l’application, à en assurer l’exécution. Dans le mécanisme binaire condition / effet, la sanction constitue donc le second terme de la règle — le comportement en est le premier — et influe sur le sujet comme un facteur dissuasif (peine) ou incitatif (récompense). C’est donc à double titre que la règle est vecteur d’influence : d’une part, elle présente un modèle (la proposition est déjà une incitation, dans un sens ou dans l’autre) ; d’autre part, elle prévoit une sanction (laquelle fait de la règle une recommandation particulièrement énergique). La vigueur de la sanction dépend de la source de la règle, et donc des possibilités offertes à son auteur, mais aussi de la probabilité que la sanction tombe, puisque certains crimes restent impunis. La sanction est un aspect fondamental de l’ingénierie de la règle, car la condition humaine est ainsi faite que les Hommes sont toujours libres de ne pas déférer à une injonction ou à une interdiction, à la seule condition qu’ils assument la menace de la contrainte, qu’ils prennent le risque de voir leur faute sanctionnée : nulle règle ne peut interdire le meurtre à l’individu prêt à passer le reste de sa vie en prison.

25. Le type de sanction (la nature de la contrainte) dépend de la source de la règle qui peut être juridique, sociale, familiale, morale, religieuse, sportive, etc. C’est votre mère qui vous interdisait de mettre les coudes sur la table, autant que le code de la route qui vous commande de vous arrêter au feu rouge. Dans les deux cas, évidemment, le châtiment en cas d’inexécution (la désobéissance) n’est pas le même : toute autorité ne peut pas recourir à toute sanction. Or la nature de la sanction (l’amende, le carton rouge, la désapprobation, l’emprisonnement, l’engueulade, le fouet, la gifle) imprime à la règle son intensité. Ce qui différencie une règle juridique d’une règle sociale, c’est que le droit est érigé et appliqué par les détenteurs du pouvoir, c’est-à-dire par une poignée de personnes (même en démocratie), quand les conventions sont le fait de tous, dans leur édiction (apparition spontanée d’un usage) comme dans leur sanction (désapprobation tout aussi spontanée du contrevenant). Mais juridique ou sociale, la sanction est toujours extérieure au sujet — extériorité qui implique donc un contrôle (voire des opérations de contrôle, par des autorités de contrôle, selon des procédures de contrôle). Qui est chargé de faire appliquer la règle, de prononcer la sanction et d’exécuter cette punition ? Trois opérations distinctes qui peuvent être le fait de trois entités différentes comme d’une seule. Triple opération que l’auteur de la règle doit anticiper s’il veut assurer l’efficacité de la norme qu’il a édictée.

3. Assurer l’efficacité de la règle

26. L’effet de la règle. Efficacité, efficience, effectivité : comment les efforts (le fait de forcer) produisent-ils leurs effets (le fait de faire8Le mot « effet » contient l’idée d’achèvement : le verbe facio (faire) est précédé de la préposition ex (qui s’assimile devant f : ef-facio), préposition qui n’a pas ici le sens de sortie mais d’achèvement. (Michel BRÉAL et Anatole BAILLY, Dictionnaire étymologique latin, 1885, Paris, éd. Hachette, p. 80).) ? Notamment, l’application et le respect de la règle suffisent-ils à obtenir l’effet attendu de la règle ? Poser la question, c’est déjà y répondre. La règle mal conçue aura beau être appliquée avec diligence, jamais elle ne sera efficace. Assurer l’exécution de la règle ne suffit pas à en assurer l’efficacité — par où l’ingénierie de la règle est véritablement un savoir-faire. N’en déplaise au législateur contemporain — qui est au droit bien écrit et bien pensé ce que Louis XIV fut à l’autodérision —, l’élaboration (3.1) et l’énonciation de la règle (3.2) sont une mécanique de précision, qui justifie le recours au terme d’ingénierie. Inspirée du concept récent d’ingénierie juridique, l’ingénierie de la règle en reprend l’esprit pour l’englober et la dépasser, car la vie sur Terre n’est pas gouvernée uniquement par des règles de droit mais par une multitude de règles dont la source, l’intensité et la sanction diffèrent — règles qui ont d’ailleurs une bien plus grande importance dans la vie que le droit, puisque ce sont ces règles, tacites pour la plupart, qui expliquent qu’on fait des rencontres ou non, qu’on réussit en affaires ou pas, qu’on est doué pour la vie ou si peu.

3.1. L’élaboration de la règle

27. L’intérêt de la règle. Réguler ou ne pas réguler ? Telle est la question — fondamentale à une époque où la loi n’a jamais été si bavarde. Tout écart de conduite mérite-t-il sa règle ? Tout fait divers appelle-t-il sa législation ? C’est l’opportunité de légiférer que l’intérêt de la règle vient questionner. Faut-il une règle et, si oui, de quelle nature ? Une campagne d’avertissement, une brève recommandation, un simple nudge9« Le nudge est un coup de pouce, une forme d’incitation douce à agir dans le bon sens, telle celle de la maman éléphant remettant son petit sur la bonne voie d’un léger coup de trompe. Les travaux de Richard Thaler et Cass Sunstein sur le nudge ont eu une portée internationale. En appliquant les découvertes de la psychologie sociale aux analyses économiques et juridiques, ils fournissent dans cet ouvrage de référence les clés pour nous aider à prendre les décisions les plus intelligentes, tout en préservant notre liberté de choix. » (Richard THALER et Cass SUNSTEIN, Nudge. La méthode douce pour inspirer la bonne décision, 2010, Paris, éd. Vuibert, Quatrième de couverture). ne peuvent-ils suffire pour parvenir au résultat voulu ? C’est par son pouvoir modificateur de la réalité que la règle vaut. Si la règle ne doit rien changer du tout, ou bien à un coût exorbitant, voire si elle doit engendrer des effets pervers, alors il ne faut pas intervenir. Par ailleurs, toute règle mal conçue ou non appliquée affaiblit le principe même de la règle et, du même coup, abaisse la valeur de toutes les autres. Si l’on peut déroger impunément à l’une d’entre elles, pourquoi se fatiguer à appliquer les autres ? Et que dire du sentiment d’injustice ressenti par ceux qui se plient à la norme pour rien ou pas grand-chose ? La question de l’opportunité de la règle — légiférer ou non — se double de celle de la pertinence de la règle : telle qu’elle est conçue (à la fois pensée et rédigée), la règle permettra-t-elle d’obtenir le résultat escompté si, bien sûr, elle est appliquée ? C’est une manière d’interroger les conditions d’efficacité de la règle.

28. Avant d’être un mode de régulation, l’écriture de la règle est une révélation et une codification des usages. Elle porte à la connaissance des individus les modèles de comportement tacites qui s’appliquent parfois à leur insu. Ainsi l’ingénierie de la règle — artisanat intellectuel qui préside à la fabrique de la norme — conduit-elle à dévoiler, évaluer et améliorer les usages se rapportant à un jeu social suffisamment important pour justifier l’entreprise. On a introduit le propos par la distinction un peu artificielle entre efficacité, efficience et effectivité. L’efficacité est la capacité à obtenir un effet, l’efficience est l’efficacité obtenue à moindre effort, l’effectivité est l’obtention réelle — à grande échelle — des effets voulus. Or on appelle ingénierie de la règle l’opération intellectuelle qui vise à élaborer des modèles de comportement (les règles) afin d’obtenir un changement de pratiques (les résultats). Par conséquent, la bonne règle — à la fois opportune et vertueuse — doit combiner efficacité, efficience et effectivité. Concrètement, la règle doit être bien conçue (économie et pertinence), facile à appliquer (compréhension et utilité) ; la sanction doit être juste (modération mais dissuasion) et certaine (contrôle et prévisibilité). Si toutes ces conditions sont remplies — mais quelle rigueur faut-il pour y parvenir ! — alors la règle sera efficace, efficiente, effective. La règle sera judicieuse.

29. Le contenu de la règle. Toute règle porte sur un comportement. Si elle traite d’autre chose, c’est qu’elle n’est pas une règle mais un énoncé d’une autre nature (description, analyse). Par suite, un système de règles (le code de la route, la règle du jeu de fléchettes) doit proposer une grille de lecture des comportements, de toutes les attitudes que les acteurs (automobilistes, joueurs) sont susceptibles d’adopter — si un comportement n’était prévu par aucune règle particulière ni aucun principe général, il y aurait un angle mort dans la règlementation (ce qu’on appelle, souvent avec abus, un vide juridique). Par conséquent, le rédacteur de la règle doit, en amont de son aménagement, chercher à établir une liste des comportements qui lui apparaissent souhaitables et de ceux qui le sont moins (ou ne le sont pas du tout). Par là, il déterminera deux choses : la nature des attitudes d’une part (donner, faire, dire) et la nature des prescriptions d’autre part (obligation, interdiction, latitude). Ainsi, le modèle de comportement contenu dans la règle résultera d’une combinaison entre les deux types d’actes : obligation de faire (ou interdiction de ne pas faire), obligation de ne pas faire (ou interdiction de faire) et possibilité de faire ou de ne pas faire (latitude laissée au choix du sujet).

30. La grille de lecture dont l’établissement doit précéder l’écriture des règles consiste plus simplement en une classification (une typologie), c’est-à-dire un ensemble de classes (des catégories) établies selon des critères (des caractéristiques). Cette classification doit être la plus exhaustive possible (recenser tous les types de comportements), également la plus pertinente (répartir ces comportements en quelques types évocateurs) et la plus intelligible possible (faciliter la qualification des comportements en situation). Si l’on a parlé de grille de lecture, c’est que l’opération intellectuelle d’interprétation et d’application de la règle commence bien par une lecture de la situation : il s’agit de rattacher un élément de fait (une voiture garée sur un trottoir) à une catégorie abstraite (un stationnement gênant passible d’amende), de partir de la pratique (la disposition des fléchettes sur la cible) pour revenir à la théorie (le comptage des points selon l’emplacement des fléchettes). Afin que la règle soit complète, il convient que le modèle de comportement soit assorti d’une sanction — positive (point, avantage, récompense) ou négative (pénalité, amende, exclusion) —, sanction à déterminer selon les trois paramètres suivants : la connexité (le rapport entre le comportement et la sanction), la proportionnalité (le réglage de l’intensité de la sanction) et la probabilité (le risque d’écoper d’une sanction).

3.2. L’énonciation de la règle

31. La rédaction de la règle. Les développements qui précèdent entretiennent une ambiguïté sémantique : la règle évoquée tant de fois s’entend aussi bien d’une norme isolée (un article de loi) que d’un système de normes (un texte de loi). Or écrire la règle du jeu — qu’il soit social, politique ou fiscal — n’est pas écrire une seule règle, mais en écrire des dizaines, formant un corps complet de normes : une règle du jeu est un jeu de règles qui se précisent, se renforcent, se suppléent. C’est donc un édifice entier qu’il faut être capable de penser et d’énoncer — d’où l’intérêt de faire appel à des juristes —, opération intellectuelle complexe, à réaliser selon le mode d’emploi suivant. L’écriture de la règle commence par son aménagement : identifiez — dans la réalité du jeu social dont vous avez la charge — les comportements à encadrer ou à modifier, puis déterminez les catégories (types de personnes, d’actes, d’objets), dénominations (intitulés des postes, des lieux, des opérations) et critères (par exemple selon l’importance ou la récurrence) qui permettront d’appréhender ces comportements sur le plan théorique. L’écriture de la règle se poursuit par l’élaboration de sa structure, c’est-à-dire par la construction du plan qui va servir d’ossature au texte : un préambule fait toujours chic (description des enjeux, définition des termes, directives générales) ; moins courant mais parfois utile, la conclusion ou l’épilogue (modalités du contrôle de l’exécution des règles, désignation des autorités chargées du prononcé des sanctions, mode de résolution des éventuels conflits) ; entre ces dispositions préliminaires et finales, différentes règles de fond distribuées en parties, titres, chapitres, sections, paragraphes, etc.

32. Tout le texte est composé d’articles — de subdivisions textuelles ayant une unité thématique —, articles constitués de quelques phrases parfois disposées en plusieurs petits paragraphes (les alinéas) faisant l’objet d’une numérotation continue, du premier au dernier article. Un texte linéaire doit donc recueillir des articles très divers, classés en divisions thématiques, qui correspondent à des situations concrètes : toute la difficulté de la rédaction est là. Le plan du texte dépend du jeu qui fait l’objet de la règle : par exemple, une procédure de validation retrace une succession d’étapes (plan chronologique), quand les statuts d’une association organisent son fonctionnement (plan didactique). Il faut donc adopter la présentation optimale selon le but que les règles se proposent d’atteindre. Quoi qu’il en soit, ces dernières doivent mentionner leur étendue (champ d’application matériel, temporel et territorial), les prescriptions (obligations, interdictions et latitudes), ainsi que les sanctions qui les assortissent (punition, récompense, exécution forcée). Par ailleurs, ce corps de règles doit être exhaustif (il prévoit tous les comportements et, à défaut, il dispose de principes généraux servant de guides à l’interprétation), le texte est cohérent (il ne comporte pas d’injonctions contradictoires, c’est-à-dire que les règles n’entrent pas en conflit les unes avec les autres) et, bien sûr, le texte brille par sa clarté (il lève toutes les ambiguïtés qui pourraient surgir lors de son application).

33. La formulation de la règle. Idéalement, chaque article contient une règle (ou un jeu de règles) propre à une situation donnée, éventuellement en plusieurs alinéas. Les critères ont servi à établir des catégories d’éléments (la qualification juridique) qui vont recevoir un traitement commun (le régime juridique). La complexité de la matière peut engager à divers modes de rédaction. Dans l’hypothèse d’un texte simple, les critères et catégories (actes, objets, personnes) figurent dans le préambule ; leur régime (obligation, interdiction, latitude) est réparti dans des sections propres à chaque type d’actes ou de personnes ; la sanction figure dans le dernier alinéa de chaque article. Dans l’hypothèse d’un texte complexe, le préambule se contente de décrire les enjeux et de définir les termes ; une section est consacrée aux qualifications (critères et catégories) ; d’autres contiennent le régime pour chaque catégorie (obligations et interdictions) ; les sanctions figurent dans une ultime section. Quel que soit le mode de présentation choisi, les règles doivent constituer un système, c’est-à-dire qu’elles doivent relier et organiser tous les éléments entre eux (comportements, objets, personnes) à l’aide de modalités (les divers modes d’articulation). Accrochez-vous.

34. Schématiquement, des obligations correspondent à des conditions (si…, alors…) ou à des termes (quand…, alors…) — le lecteur a compris que la condition est un évènement futur mais incertain (une pure éventualité), alors que le terme est un évènement futur et certain (une date, déjà connue ou à fixer). Cependant, d’autres connecteurs logiques peuvent moduler la règle et se combiner entre eux : conditions cumulatives (si… et si…, alors…), conditions alternatives (si… ou si…, alors…), termes cumulatifs (quand… et quand…, alors…), termes alternatifs (quand… ou quand…, alors…), combinaison de termes et conditions, éventuellement alternative (quand… ou si…, alors…) ou cumulative (quand… et si…, alors…). Lorsqu’un cas doit être écarté de la règle (qu’on nomme le principe), on crée une exception à l’aide d’une exclusion, laquelle peut être pure et simple (sauf), conditionnelle (sauf si) ou temporelle (sauf quand). S’il apparaît dans le corps du texte qu’une règle particulière contredit un principe général, cette règle n’est pas pour autant invalide : elle joue en fait comme une exception (en vertu du principe d’interprétation qui veut que le spécial déroge au général) — raison pour laquelle l’écriture de la règle du jeu suppose de maîtriser une compétence essentielle au juriste : l’art de la distinction.

35. Le lecteur sait désormais pourquoi il est si difficile d’écrire une règle et quels trésors d’inventivité il faut déployer pour en préserver l’accessibilité malgré la complexité de l’entreprise. L’existence en pratique d’un gigantesque éventail d’usages doit aboutir à la rédaction de quelques pages normatives seulement. Par conséquent, la formulation de la règle ne doit pas être trop rigide (le texte laisse une place à l’interprétation) ni abolir toute initiative dans sa mise en œuvre (le texte ménage le libre-arbitre de l’exécutant). Il faut donc lutter contre la tentation de prévoir des règles pour tout : entrer dans une casuistique (la description de tous les cas) serait préjudiciable à la clarté de la règle. Par ailleurs, le travail de la langue — le choix des termes, la rédaction de définitions — est de la plus haute importance : comme le droit, l’ingénierie de la règle est une science du langage. Toute prescription, toute sanction est faite de mots, dont la signification et l’interprétation emportent des conséquences majeures dans la réalité (pénalités, exclusions).

36. Dans cette perspective, on doit aussi s’interroger sur l’auteur de la règle (associer les exécutants à la rédaction de la norme en améliorera et la conception et l’application), mais également sur le support de la règle (choisir un mode de publication et de diffusion qui en assure le rayonnement et, par conséquent, en décuple la portée). C’est bien à tort, cependant, que l’on soutiendrait que la règle peut tout. Elle dit beaucoup, elle peut beaucoup, mais elle ne peut pas tout. Tout ne mérite pas d’être consigné par écrit. Concevoir un texte, le faire circuler et le lire prennent du temps, demandent des efforts, coûtent de l’argent. Il faut que l’effet attendu de la compilation et de l’application de ces règles soit supérieur au coût matériel, financier et humain de leur rédaction. Rédiger des procédures n’a de sens qu’à cette seule condition — mieux vaut éviter les usines à gaz — et commande d’apprendre à discerner entre l’utile et le superflu avant de se mêler d’influencer les comportements. À la question « que choisir d’écrire ? », la réponse est donc simple : ce qui est utile, tout ce qui est utile, mais rien que ce qui est utile.

Index

  • Abrogation : 9
  • Abstention : 8
  • Acceptabilité : 12
  • Accessibilité : 6, 35
  • Action : 4, 8, 15, 21,
  • Activité : 5
  • Adhésion : 12
  • Adoption : 17, 22
  • Agissement : 8
  • Ambiguïté : 31, 32
  • Aménagement : 17, 29, 31
  • Amende : 11, 25, 30
  • Anticipation : 6, 17, 18, 25
  • Apparition : 9, 10, 25
  • Application : 3, 6, 10, 12, 17-20, 22-25, 26, 30, 32, 36
  • Assentiment : 12
  • Autorité : 10, 25, 31
  • Caducité : 9, 10
  • Capacité : 10, 12, 28
  • Causalité : 4, 14
  • Champ d’application : 9, 32
  • Commodité : 12, 23
  • Communication : 36
  • Compétence : 10
  • Complexité : 13, 31, 33, 35
  • Compréhension : 18-21, 28
  • Conception : 6, 36
  • Condition : 10, 14, 21, 24, 27, 34
  • Connaissance : 18, 28
  • Consentement : 12
  • Conséquence : 6, 14,
  • Contrainte : 8, 10-11, 24-25,
  • Contrôle : 8, 10-11, 25, 28, 31
  • Disparition : 9
  • Dissuasion : 22, 24, 28
  • Domaine : 7, 9, 11, 16, 21
  • Écriture : 6, 17, 28, 30-36
  • Édiction : 10, 12, 25
  • Effet : 4, 13-14, 18-19, 24, 26-28
  • Efficacité : 6, 10, 12, 17-18, 26-28
  • Élaboration : 10, 18, 26-28
  • Enjeu : 8-16, 31, 33
  • Énoncé : 6, 11, 20-21, 23, 29
  • Énonciation : 26, 31-36
  • Étendue : 6, 9, 32
  • Exception : 34
  • Exécution : 1, 6, 17-26, 31-32
  • Fondement : 10, 19
  • Force : 8-12, 16,
  • Formulation : 20, 33-36
  • Inexécution : 10, 25
  • Ingénierie : 4, 6, 13, 15, 24, 26, 28, 35-36
  • Injonction : 6, 8, 23-24, 32
  • Intention : 3, 23
  • Interdiction : 8, 24, 29, 32-33
  • Interprétation : 6, 16, 20-21, 30, 32, 35
  • Légitimité : 9, 12, 18-19
  • Limite : 16
  • Mécanisme : 8, 13-16, 19, 21, 24
  • Modalité : 33-34
  • Nullité : 9-10
  • Objet : 1, 32
  • Obligation : 1, 22, 29, 32-34
  • Origine : 10-12,
  • Portée : 36
  • Pratique : 3, 17, 20, 30
  • Principe : 29, 32, 34
  • Promulgation : 9
  • Publication : 10, 36
  • Punition : 22, 24-25, 32
  • Raison : 19
  • Raisonnement : 4, 17, 21-22
  • Rédaction : 10, 31-36
  • Régulateur : 3, 20
  • Régulation : 8, 16, 27
  • Respect : 10, 12, 22-23, 26
  • Responsabilité : 14
  • Sanction : 8, 10-11, 14-16, 19, 22, 24-26, 28, 30, 32-33, 35
  • Source : 10-12, 16, 24-26
  • Temporalité : 9, 32, 34
  • Territorialité : 9, 32
  • Théorie : 3, 20, 30,
  • Valeur : 12, 27
  • Validité : 9-10, 12, 34
  • Vigueur : 9-10, 18

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Illustrations

  • Léonard de Vinci, Codex Madrid I, 1490-1499, Bibliothèque Nationale d’Espagne, Madrid (p. 91-92, p. 160, p. 22, p. 42, p. 196, p. 72, p. 264).
  • 1
    Les autorités chinoises ont pourtant mis en place un programme de modification de la météo, qui devait exemple permettre de crever les nuages avant la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de 2008. « Le principe repose sur la dispersion de particules d’iodure d’argent ou d’azote liquide pour délester les nuages de leur humide cargaison. En cet été olympique, la mission peut être d’éviter la pluie en un point, ou au contraire de déclencher des précipitations qui tenteront de nettoyer un peu de la lourde pollution ambiante. » (Arnaud DE LA GRANGE, « Ils chassent les nuages du ciel de Pékin », Le Figaro [en ligne], 29 juil. 2008).
  • 2
    C’est la différence entre les règles-régularités et les règles-conventions. « Ainsi, les règles énoncées à propos des événements du monde sont-elles des régularités qui ne peuvent valoir que comme hypothèses explicatives. / Tout autres sont les règles au sens du jeu d’échecs. Lorsque je dis que le fou se déplace en diagonale, je ne formule pas du tout une hypothèse sur la relation causale entre deux événements ; je ne dis pas du tout quelque chose sur le monde, je ne décris pas une régularité : j’énonce la prescription d’un usage déterminé d’une pièce du jeu d’échecs. Cette prescription ne résulte pas d’une observation anthropologique (« dans tous les cas que j’ai observés, les hommes déplacent le fou en diagonale »), mais d’une convention instituée. » (Mark HUNYADI, « Acteur ou agent : les usages de la règle », Revue européenne des sciences sociales, Tome XXXIX, 2001, n° 121, pp. 31-40, spéc. p. 33, n° 8-9).
  • 3
    Cf. « L’Ordre GENDELETTRE (comme Gendarme) s’étant constitué en société pour défendre ses propriétés, il devait en résulter, ce qui résulte en France de beaucoup d’institutions, une antithèse entre le but et les résultats : on pille plus que jamais les propriétés littéraires. » (Honoré DE BALZAC, Les journalistes. Monographie de la presse parisienne, 1842, Paris, éd. Bureau central des publications nouvelles, p. 1).
  • 4
    « Postuler l’existence d’un ensemble inconscient de règles gouvernant nos activités pour rendre compte de certaines régularités de comportement est à mon sens, d’un point de vue méthodologique, une étrange affaire, bien qu’exerçant indubitablement sur nos esprits un grand pouvoir d’attraction. La psychanalyse freudienne, mais aussi l’anthropologie structurale de Lévi-Strauss ou la sociologie de Bourdieu nous ont rendu familière l’idée générale d’une causalité inconsciente gouvernée par des règles « insues », c’est-à-dire échappant à la conscience des individus. Elles ne l’ont pas rendue claire pour autant. » (Mark HUNYADI, « Acteur ou agent : les usages de la règle », Revue européenne des sciences sociales, Tome XXXIX, 2001, n° 121, pp. 31-40, spéc. p. 37, n° 17).
  • 5
    L’étude de la langue est d’ailleurs fort révélatrice de ces modèles inconscients. « Les êtres humains vivent dans la réalité qu’ils se sont forgée et dont les cultures, notamment la langue, se font l’écho. Ainsi, le concept de « jeu social » — qui est bien une invention moderne — trouve de nombreuses correspondances dans le langage courant : jouer le jeu, se prendre au jeu, sortir le grand jeu. » (Valérie DEBRUT, « Les jeux sociaux dans la langue française », écrire la règle du jeu [en ligne], 27 fév. 2019, n° 4).
  • 6
    Cet adage (« nemo censetur ignorare lege ») fonde la présomption de connaissance de la loi par les citoyens, laquelle dispense l’accusation d’avoir à prouver cette connaissance (et empêche le contrevenant de s’extraire de sa responsabilité en prouvant son ignorance de la règle violée).
  • 7
    Cf. la distinction, parmi les « usagers » de la règle, entre les acteurs et les agents. « […] est acteur celui pour qui la règle est une raison d’agir ; est agent celui pour qui la règle agit comme cause de son agir. » (Mark HUNYADI, « Acteur ou agent : les usages de la règle », Revue européenne des sciences sociales, Tome XXXIX, 2001, n° 121, pp. 31-40, spéc. p. 35, n° 14). « […] la posture la plus habituelle face aux règles sociales en général consiste à accepter la condition d’agent, donc à être un acteur qui se sait en position d’agent : ainsi le système salarial qui structure l’ensemble de notre mécanique sociale fait-il de la majorité des sociétaires des agents d’un système qu’ils n’ont jamais à proprement parler choisi, et que personne (aucune personne individuelle) n’a le pouvoir de réformer. » (Ibid., p. 36, n° 36).
  • 8
    Le mot « effet » contient l’idée d’achèvement : le verbe facio (faire) est précédé de la préposition ex (qui s’assimile devant f : ef-facio), préposition qui n’a pas ici le sens de sortie mais d’achèvement. (Michel BRÉAL et Anatole BAILLY, Dictionnaire étymologique latin, 1885, Paris, éd. Hachette, p. 80).
  • 9
    « Le nudge est un coup de pouce, une forme d’incitation douce à agir dans le bon sens, telle celle de la maman éléphant remettant son petit sur la bonne voie d’un léger coup de trompe. Les travaux de Richard Thaler et Cass Sunstein sur le nudge ont eu une portée internationale. En appliquant les découvertes de la psychologie sociale aux analyses économiques et juridiques, ils fournissent dans cet ouvrage de référence les clés pour nous aider à prendre les décisions les plus intelligentes, tout en préservant notre liberté de choix. » (Richard THALER et Cass SUNSTEIN, Nudge. La méthode douce pour inspirer la bonne décision, 2010, Paris, éd. Vuibert, Quatrième de couverture).