Sur la bêtise & ses divagations

— Une forme d’égarement

1. La bêtise est historiquement le fait de la bête (on dit d’abord beste et bestise, comme on dit toujours bestiole, bestiaire, bestialité). Au sens propre, la bête désigne l’animal irraisonnable, au figuré une personne stupide, et qui n’a point d’esprit1Dictionnaire de l’Académie française, 1re éd., 1694, Beste..

On dit « Vivre en beste, pour dire, que l’on vit sans réflexion, que l’on ne songe point à Dieu, ni à son salut, qu’on ne se soucie que de son corps, et point de son âme » ; « Faire la beste se dit, pour faire quelque chose mal à propos, et contre son devoir ou contre la bienséance. »2Ibid.

Voilà déjà plusieurs illustrations de la bêtise, sans doute un peu datées : vivre sans religion n’est plus considéré aujourd’hui comme un signe d’ânerie…

2. Cependant, la nature fondamentale de la bêtise apparaît déjà : c’est un égarement, c’est-à-dire un fourvoiement, un détournement, un déplacement3L’ineptie est étymologiquement ce qui « n’est pas approprié, déplacé » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Inepte, étym.). Pareillement, l’absurdité, qui est « contraire à la raison », « dénuée de sens », s’entend originellement d’une « dissonance, [d’une] discordance » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Absurdité, 1, 2, étym.).. Être égaré, c’est être perdu ; s’égarer, c’est se tromper de voie — errances qui supposent une « juste » place et un « droit » chemin4« Il s’agit de prendre la Raison par le bon bout ! » (Gaston LEROUX, Le mystère de la chambre jaune, 1907, Paris, éd. Pierre Lafitte [1932], 1re partie, chap. 7, p. 93)..

Au figuré, et c’est ici le cœur de la bêtise, égarer est « jeter dans l’erreur »5Dictionnaire de l’Académie française, 1re éd., 1694, Esgarer., « induire en erreur »6Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Égarer, I, 3.. L’erreur et l’errance sont apparentées : l’entendement est biaisé quand le sujet déraisonne, divague, délire.

Cette allégation — dont la solidité édifie probablement le lecteur — sous-entend une norme de référence : le sens commun. Quel que soit l’âge7« Le temps ne fait rien à l’affaire, / Quand on est con, on est con. / Qu’on ait vingt ans, qu’on soit grand-père, / Quand on est con, on est con. » (Georges BRASSENS, « Le temps ne fait rien à l’affaire » (chanson), Le temps ne fait rien à l’affaire (album), 1961, France, label Philips)., on n’est idiot que par comparaison aux autres, à d’autres qui sont de même niveau, de même espèce, de même nature.

3. Ne coûtant pas cher et demandant peu d’effort, la bêtise est singulièrement répandue8« Ainsi le monde se remplit de sottise et de mensonge et s’y confit. » (Michel DE MONTAIGNE, Les Essais [en français moderne], Gallimard, coll. Quarto, Livre 2, Chapitre 12, p. 657).. C’est là une vérité essentielle dont on ne doit jamais se départir : le monde est rempli d’imbéciles.

Mais si la sottise est universelle, ce n’est pas dans son contenu — lequel dépend du milieu, de l’époque, de la société. C’est en son principe que l’imbécillité se perpétue, par une certaine propension à rester à la surface des choses.

L’étude de la nature humaine fait observer que la bêtise emprunte, curieusement, deux voies opposées : celle du peu, la plus évidente, c’est-à-dire la vacuité (1), et celle du trop9« La bêtise n’est pas une carence, ni une déficience : si elle pèche, c’est par excès. On s’est fourvoyé chaque fois qu’on a voulu l’inscrire dans la sphère de l’animalité, ou dans celle de l’anormalité. Non seulement elle n’est pas une rechute dans la bestialité […] mais elle apparaît comme le « propre de l’homme » […] » (Alain ROGER, Bréviaire de la bêtise, 2008, Paris, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque des idées, p. 12)., qu’on soupçonne moins, mais également préjudiciable : la suffisance (2).

— Inventaire de la bêtise

4. On est frappé du nombre de termes que possède la langue française pour évoquer la bêtise. Usant de la même métaphore animale, l’ânerie (qui est évidemment le fait d’un âne) désigne la stupidité (§8) mêlée d’ignorance (§10), binôme de notions qui illustre à merveille la vacuité de la pensée.

Fait notable, la bêtise emprunte aussi au registre sexuel : la connerie, bien sûr, d’emploi très fréquent, réfère au sexe féminin, l’expression « tête de nœud » renvoyant, elle, au sexe masculin. En cherchant bien, on trouverait nettement plus vulgaire, ce qui montre bien que la bêtise est sujette à moquerie.

5. La sottise, celle qu’on recueille en sottisiers10Voir le Sottisier de VOLTAIRE ou Le dictionnaire des idées reçues de FLAUBERT., n’est que le « défaut de jugement »11LITTRÉ, Dictionnaire en ligne, Sottise, 1. — état sans doute plus passager qui, en certaines circonstances, fait commettre quelque bévue ou méprise.

La niaiserie — étymologiquement la naïveté de l’oiseau pris dans le nid — renvoie, pour sa part, à l’inexpérience, à la méconnaissance des usages du monde, chez l’être qui — ayant connu peu d’échecs — n’a pas encore été déniaisé. Tout cela n’est pas méchant ; la vie se charge d’instruire aux blancs-becs.

6. L’idiotie, elle, est plus grave, l’idiot étant résolument « dépourvu d’intelligence »12LITTRÉ, Dictionnaire en ligne, Idiot, 1.. D’ailleurs, l’idiotie13Cf. La figure de l’idiot, dont Fiodor Dostoïevski fit un héros de roman (L’idiot, paru en feuilletons dans Le Messager russe entre 1868 et 1869). désignait autrefois en médecine la bêtise pathologique, l’affection permanente de gens dénués de raison, parfois de langage.

L’imbécillité, qui est étymologiquement la faiblesse, physique ou psychique, la débilité, qui est une « déficience d’origine congénitale, caractérisée par un développement insuffisant des facultés mentales »14Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Débilité, 2., également le crétinisme — « état d’arriération mentale accompagné de troubles somatiques, résultant d’une insuffisance thyroïdienne »15Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Crétinisme. — relèvent du même registre et témoignent des tâtonnements de la psychiatrie à ses débuts.

7. Enfin, la suffisance, hypothèse de la bêtise contente d’elle-même, chantre de la culture confiture et bouffie d’orgueil, qui s’illustre en deux spécimens au moins : le fat et l’arrogant.

La fatuité — « sottise qui tient à un excès de bonne opinion de soi-même »16Dictionnaire de l’Académie française, 5e éd., 1798, Fatuité. — est une fierté déplacée, c’est-à-dire une ignorance qui s’ignore17« Peut-être que la conscience de la nullité n’est que le premier pas vers un noble essor. Les sots ne l’ont jamais. L’ignorance peut se passer longtemps de modestie ; mais, si elle vient un jour à rougir d’elle-même, elle n’est déjà plus l’ignorance. » (George SAND, « Melchior » (nouvelle), 1832, dans Œuvres de George Sand, Tome IV, 1843, Bruxelles, éd. Hauman, p. 487)., incapable de reconnaître ses carences et, par conséquent, de les combler18Comp. « On peut toujours apprendre ce qu’on ne sait pas, non ce qu’on croit savoir. » (Gustave THIBON, L’ignorance étoilée, 1974, Paris, éd. Fayard, p. 71)..

L’arrogance va au-delà, qui choisissant délibérément d’ignorer tout ce qu’elle ignore, rejette la connaissance des autres, leur déniant toute qualité à détenir une parcelle de vérité.

1. La vacuité

1.1. La stupidité

8. Les types susmentionnés ne sont pas équivalents entre eux, ce qui montre le caractère protéiforme de la bêtise. Approximatif et bref, le panorama dressé dispense cependant quelques enseignements d’importance.

D’abord, certaines formes de bêtise sont éphémères (l’égarement d’un instant ou l’inexpérience de la jeunesse), quand d’autres semblent définitives (la déficience mentale). Ensuite, la bêtise est socialement perçue comme une fatalité, une tare qui frappe certains malheureux et dont la faute ne leur incombe pas19« […] celui qui détient le pouvoir est moins prompt à s’irriter d’un manque de capacité que d’un manque de volonté. La bêtise le plonge au contraire « dans le désespoir », qui est indiscutablement un état de faiblesse ! » (Robert MUSIL, De la bêtise, 1937, Paris, éd. Allia [2015], p. 14)..

Enfin, si la bêtise est raillée, on l’associe volontiers à la bonté, à la gentillesse. Par conséquent, l’on ne s’en méfie guère20« […] il est plus prudent de ne pas se montrer intelligent. Cette précaution pleine de défiance et qu’un observateur distrait aurait aujourd’hui grand mal à déchiffrer remonte probablement à un temps où le faible avait tout intérêt à passer pour un idiot quand son intelligence aurait pu être une menace pour la vie du fort ! La bêtise en revanche endort la méfiance ; elle « désarme », comme on dit encore de nos jours. » (Robert MUSIL, De la bêtise, 1937, Paris, éd. Allia [2015], p. 14)., ce qui est un tort : nombreux sont les dommages causés par inadvertance — il n’y a pas que la volonté de nuire qui détruise le monde.

9. La stupidité est l’exemple topique de cette bêtise par faiblesse, c’est-à-dire par carence, par manque, qui est le fait de l’esprit lent, presque immobile, long à la détente dit-on aussi. C’est en fait une « pesanteur d’esprit »21Dictionnaire de l’Académie française, 8e éd., 1935, Stupidité., la pesanteur étant le « défaut de vivacité, de célérité, de grâce »22Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Pesanteur, 3..

Tout cela n’est guère surprenant dès lors que l’on rapproche la stupidité de la stupeur, qui sont de même étymologie — la stupeur désignant une « espèce d’immobilité causée par une grande surprise ou par une frayeur subite »23LITTRÉ, Dictionnaire en ligne, Stupeur, 2., encore un « état causé par un étonnement profond, et dans lequel les facultés intellectuelles semblent paralysées »24Dictionnaire de l’Académie française, 8e éd., 1935, Stupeur..

Engourdissement, immobilité, paralysie, hébétude, la stupidité paraît moins une cause qu’un effet de la bêtise, une inaptitude dans une situation précise : l’incapacité à lire le contexte social puis à adopter un comportement approprié. Où l’on en vient à l’ignorance.

1.2. L’ignorance

10. L’idiotie s’appréciant par rapport à une norme (le sens commun), elle implique que ce qui est évident pour les autres soit inconnu de l’imbécile, cette méconnaissance provenant soit d’un manque de science, soit d’un manque d’expérience, soit d’un manque de discernement — dans les trois cas, de l’ignorance.

Il est vrai que la dernière hypothèse tire sur le manque de jugement, et renvoie à l’impossibilité de distinguer. Mais cette dernière — l’inaptitude à dissocier — résulte en fait de l’ignorance des points de comparaison nécessaires à toute évaluation.

Cette nuance est fondamentale car l’intelligence ne peut se développer ni s’exercer sans le secours de la culture. Le cancre ou le fainéant aiment à opposer le raisonnement au savoir, la passion à la technique… C’est pousser trop loin l’idéal dilettante.

11. Il est entendu qu’on peut être vif et habile malgré un faible niveau d’éducation — défaut d’instruction qu’un cœur charitable ne saurait imputer à celui qui n’a pas eu la chance de pouvoir étudier. Ce qui est en cause, c’est l’ignorance par facilité25« L’esprit s’attache par paresse et par constance à ce qui lui est facile ou agréable : cette habitude met toujours des bornes à nos connaissances ; et jamais personne ne s’est donné la peine d’étendre et de conduire son esprit aussi loin qu’il pouvait aller. » (François DE LA ROCHEFOUCAULD, Réflexions ou sentences et maximes morales, 1664, Paris, éd. Didot [1815], maxime n° 505)., par goût du confort ; c’est la nonchalance, la passivité, la paresse26« La bêtise, c’est de la paresse. […] La bêtise, c’est un type qui vit et il se dit « ça me suffit. Ça me suffit. Je vis, je vais bien, ça me suffit. » Et il se botte pas le cul tous les matins en disant « C’est pas assez. Tu ne sais pas assez de choses, tu ne vois pas assez de choses, tu ne fais pas assez de choses. » C’est de la paresse, je crois, la bêtise. Une espèce de graisse autour du cœur qui arrive, une espèce de graisse autour du cerveau. Je crois que c’est ça. » (Jacques Brel, « Brel parle », entretien filmé avec Henri Lemaire, au bar The Gallery à Knokke (Belgique), 1971, réal. Marc Lobet)..

Le bon usage de l’intelligence — l’exercice rigoureux de la réflexion — suppose que le sujet ait intériorisé une somme conséquente de repères — répertoire des possibilités et des contraintes, autant qu’annuaire des causes et des effets —, qu’il se soit forgé une représentation du monde suffisamment consistante27« D’abord moi, ensuite vous [son maître], voilà comme cela est arrangé dans mon esprit ; et puis le reste du monde va comme il peut. » (MARIVAUX, L’heureux stratagème, 1733, Paris, Acte II, scène 1, Arlequin à Dorante)..

Car l’inexpérience et l’impéritie sont cause de cécité mentale et plongent l’être dans un dénuement d’autant plus dangereux qu’il est imperceptible. Condamnant le sujet à penser le monde à sa hauteur, l’ignorance obère toute possibilité d’évolution : elle l’enferme dans son invisible prison28« […] on est l’esclave de son ignorance. » (Jonathan BOCQUET, « De l’idéal de la Table Ronde à la pratique du pouvoir », dans Florian BESSON et Justine BRETON [coll.], Kaamelott. Un livre d’histoire, 2018, Paris, éd. Vendémiaire, p. 297, note 17)..

2. La suffisance

2.1. La fatuité

12. Jusqu’à présent, ont été égrenées des formes d’ânerie qui découlent de la vacuité, de l’insuffisance, de la carence ; c’est là l’image qu’on se fait classiquement de la sottise. Or, la bêtise est créative, qui a plus d’un tour dans son sac et se loge parfois où on ne l’attend pas.

L’outrecuidance et la pédanterie, le dogmatisme et la cuistrerie sont également des formes d’imbécillité — qui procède alors de l’excès, de l’accumulation, du trop-plein29« La plupart des gens répètent comme des perroquets ce qu’ils ont entendu dire à des demi-savants qui, n’ayant que des connaissances imparfaites, raisonnent le plus souvent de travers. » (VAUBAN, Lettre à Le Peletier de Souzy, 6 oct. 1695, dans Vauban. Sa famille et ses écrits, ses « Oisivetés » et sa Correspondance, Tome 2, 1910, Paris, éd. Berger-Levrault, p. 441).. Le sujet croit se suffire à lui-même, soit parce qu’il sait tout (c’est l’arrogant), soit parce qu’il en sait suffisamment (c’est le fat).

Autrefois, la suffisance était la compétence30« Suffisance, signifie aussi, Capacité, aptitude pour quelque employ. » (Dictionnaire de l’Académie française, 1re éd., 1694, Suffisance). et c’est ironiquement qu’elle a pris le sens de présomption, de vanité31« Suffisance, se dit aussi en mauvaise part, d’une grande présomption fondée sur un faux mérite, sur une trop bonne opinion qu’on a de soi-même. Les riches sots ne manquent point d’avoir de la suffisance. » (Antoine FURETIÈRE, Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts, 1690, La Haye, éd. Leers, Suffisance, 3).. Par conséquent, est suffisant celui qui se croit adroit ou cultivé, à tort ou moins qu’il ne le pense.

Si l’ignorance est un fléau32« C’est un terrible fléau que l’ignorance ; c’est la source de mille maux pour l’humanité. Elle répand comme un voile épais sur nos actions, obscurcit la vérité, et couvre d’ombre la vie de chacun de nous. » (Lucien de Samosate, « Qu’il ne faut pas croire légèrement à la délation », Œuvres complètes, Rome antique, IIe s., chap. LIX, §1)., la sottise qui s’ignore l’est plus encore — et s’avère très désagréable pour l’interlocuteur33« […] sitôt qu’ils peuvent c’est bien simple tous les gens vous font perdre des heures, des mois… vous leur servez comme de fronton à faire rebondir leurs conneries… et bla ! et bla ! et reblabla ! … une heure de cette complaisance vous aurez quinze jours à vous remettre… bla ! bla ! […] » (Louis-Ferdinand CÉLINE, Nord, 1960, Paris, éd. Gallimard [1976], coll. Folio, p. 258). — car se satisfaisant d’elle-même34« Et s’ils n’étaient que nuls, incultes et creux, par la grâce d’un quart de siècle de crétinisme marxiste scolaire, renforcé par autant de diarrhéique démission parentale, passe encore. Mais le pire est qu’ils sont fiers de leur obscurantisme, ces minables. Ils sont fiers d’être cons. » (Pierre Desproges, « Non aux jeunes » (épisode), Chroniques de la haine ordinaire, émission de radio, 9 avr. 1986, France Inter)., elle prend ses aises au lieu de s’examiner35« Que l’on soit ignorant par état, ou par volonté de le demeurer, parce que l’on tient davantage à ses préjugés qu’aux progrès de la connaissance, devrait s’accompagner de la plus grande discrétion. » (Christian CHARRIÈRE-BOURNAZEL, président du Conseil national des barreaux, « Lettre ouverte à Christophe Sirugue » (député-maire de Chalon-sur-Saône), Le Journal de Saône et Loire [en ligne], 25 avr. 2013)..

13. Gonflé de sa propre importance, le fat « est très content de [lui] et le laisse voir »36Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Fat, 2., tandis que l’arrogant — chargé de références comme un mulet37« Mes amis, la plus grande marque de stérilité spirituelle est l’entassement des faits. » (Honoré DE BALZAC, La maison Nucingen, 1838, dans La femme supérieure ; La maison Nucingen ; La torpille, Tome 2, Paris, éd. Werdet, p. 276). — ne peut souffrir la contradiction.

Si en matière de bêtise, le fat le dispute au sot (après tout, le fat n’est jamais qu’un âne suffisamment instruit pour faire illusion auprès des rustres38« Un fat est celui que les sots croient un homme de mérite. » (Jean DE LA BRUYÈRE, Les caractères de Théophraste, traduits du grec, avec Les caractères ou les mœurs de ce siècle, 1688, Paris, éd. Michallet, p. 311).), c’est que la suffisance est — à l’instar de l’ignorance — un enfermement dans des croyances, dans des limites, dans des certitudes.

Or l’intelligence est une « capacité à s’adapter au monde tel qu’il est. »39« Il reste que l’intelligence, la vraie intelligence politique, ce n’est pas de savoir vibrionner au jour le jour ou de gérer sa « com », c’est la capacité à s’adapter au monde tel qu’il est. » (Roland HUREAUX, « Macron est-il si clairvoyant ? », Causeur [en ligne], 16 juil. 2018). C’est une juste compréhension de l’environnement, qui permet la mobilisation pertinente du savoir et, par conséquent, l’ajustement, voire l’ingéniosité.

Le fat, au contraire, fait un mauvais usage du peu qu’il connaît40« Le cerveau de l’imbécile n’est pas un cerveau vide, c’est un cerveau encombré où les idées fermentent au lieu de s’assimiler, comme les résidus alimentaires dans un colon envahi par les toxines. » (Georges BERNANOS, La France contre les robots, 1944, Paris, éd. Robert Laffont [1947], p. 186) ; il utilise d’approximatives connaissances pour épater la galerie41Cf. le cuistre : « Pédant qui fait parade de ses lectures, de sa culture, fausse ou véritable, et qui manque de savoir-vivre. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Cuistre, 2). Et le pédant : « Personne qui fait montre de son savoir, de son érudition avec suffisance, ou qui reprend volontiers les autres et leur fait la leçon. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Pédant, 2)., se rassurer à bon compte, se sortir de toutes situations — et tombe dans l’impertinence, la maladresse, le quiproquo, la bourde.

2.2. L’arrogance

14. Le fat parade comme un paon, rabaisse un peu le caquet de ses subalternes, mais il demeure plus agaçant que méchant. On n’en dirait pas autant de l’arrogant qui, pour être plus instruit, n’en est que plus dangereux, surtout s’il a du galon.

D’ailleurs, seuls les gens de pouvoir peuvent se permettre d’afficher une arrogance coutumière ; les pauvres, eux, n’ont pas ce loisir. L’arrogance est l’« attitude hautaine et péremptoire »42Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Arrogance. ; c’est-à-dire que l’arrogant « n’admet [ni] la réplique, [ni] la contradiction. »43Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Péremptoire, 2.

Il n’a pas besoin de l’opinion des autres pour progresser puisqu’il a la science infuse. Mais cherche-t-il seulement à progresser ? Ce qu’il ignore ne l’intéresse pas — non par paresse (ainsi que le fat) — mais par dédain44« C’est une très méchante manière de raisonner, que de rejeter ce qu’on ne peut comprendre. » (François-René DE CHATEAUBRIAND, Génie du christianisme, 1802, Tome 1, Paris, éd. Migneret, Livre I, chap. 3, p. 18). « C’est une hardiesse dangereuse et de conséquence, outre l’absurde témérité qu’elle traîne avec elle, que de mépriser ce que nous ne concevons pas. » (Michel DE MONTAIGNE, Les Essais [en français moderne], Paris, éd. Gallimard, coll. Quarto, Livre 3, chap. 27, p. 225) ou par dogmatisme45« C’est la profonde ignorance qui inspire le ton dogmatique. Celui qui ne sait rien croit enseigner aux autres ce qu’il vient d’apprendre lui-même […] » (Jean DE LA BRUYÈRE, Les caractères de Théophraste, traduits du grec, avec Les caractères ou les mœurs de ce siècle, 1688, Paris, éd. Michallet, p. 212)..

Sans doute y a-t-il là un goût du confort intellectuel : les idées reçues, les clichés et préjugés — tout le saint-frusquin du prêt-à-penser — dispensent d’une désagréable remise en cause. Quand l’intelligence tourmente, la bêtise protège46« Mais les esprits qui se contentent d’une certaine portion, étroite et distincte, de la vérité acquise, auront toujours, dans la discussion, beaucoup d’avantage apparent sur ceux qui cherchent dans l’inconnu une vérité plus vaste et plus idéale. » (George SAND, Jeanne, 1844, Bruxelles : Hauman, Tome II, p. 160).. Comme le sot, l’arrogant aime à vivre dans un univers qu’il peut couver du regard.

15. Il faut bien comprendre que l’arrogance est — plus qu’une présomption — une prétention. L’étymologie rappelle que l’arrogant cherche à s’arroger quelque gloire.

C’est un ambitieux — qui n’aspirant pas simplement à « s’élever pour réaliser toutes les possibilités de sa nature »47Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Ambition, 1. — est véritablement dans la revendication, anticipant sur les succès qu’il croit pouvoir espérer.

S’il est si certain de sa supériorité, drapé dans son mépris, affichant une morgue hautaine, c’est qu’il se sait en position de force, évoluant dans un monde qu’il domine, dont il n’a jamais été la victime et qu’assurément, il n’a aucun intérêt à discuter. Plein de superbe, l’arrogant vit parmi les vainqueurs, maîtrisant la règle d’un jeu qu’il croit universel.

Enchaînant les poncifs de bon aloi, dispensant ses conseils avisés, débitant en réalité des âneries, il s’entête dans son égarement48Cf. le célèbre adage latin « Errare humanum est, perseverare diabolicum » (l’erreur est humaine mais la persévérance dans l’erreur est diabolique).. L’arrogant ignore le doute et c’est par quoi il passe à côté de La vie sur Terre. Certes, la sottise a de beaux jours devant elle.

Illustrations

Références

— Dictionnaires

— Ouvrages

— Divers

  • Jonathan BOCQUET, « De l’idéal de la Table Ronde à la pratique du pouvoir », dans Florian BESSON et Justine BRETON [coll.], Kaamelott. Un livre d’histoire, 2018, Paris, éd. Vendémiaire.
  • Georges BRASSENS, « Le temps ne fait rien à l’affaire » (chanson), Le temps ne fait rien à l’affaire (album), 1961, France, label Philips.
  • Jacques BREL, « Brel parle », entretien filmé avec Henri Lemaire, au bar The Gallery à Knokke (Belgique), 1971, réal. Marc Lobet.
  • Christian CHARRIÈRE-BOURNAZEL, président du Conseil national des barreaux, « Lettre ouverte à Christophe Sirugue » (député-maire de Chalon-sur-Saône), Le Journal de Saône et Loire [en ligne], 25 avr. 2013.
  • Pierre DESPROGES, « Non aux jeunes » (épisode), Chroniques de la haine ordinaire, émission de radio, 9 avr. 1986, France Inter.
  • Roland HUREAUX, « Macron est-il si clairvoyant ? », Causeur [en ligne], 16 juil. 2018.
  • MARIVAUX, L’heureux stratagème, 1733, Paris, Acte II, scène 1, Arlequin à Dorante.
  • VAUBAN, Lettre à Le Peletier de Souzy, 6 oct. 1695, dans Vauban. Sa famille et ses écrits, ses « Oisivetés » et sa Correspondance, Tome 2, 1910, Paris, éd. Berger-Levrault.

  • 1
    Dictionnaire de l’Académie française, 1re éd., 1694, Beste.
  • 2
  • 3
    L’ineptie est étymologiquement ce qui « n’est pas approprié, déplacé » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Inepte, étym.). Pareillement, l’absurdité, qui est « contraire à la raison », « dénuée de sens », s’entend originellement d’une « dissonance, [d’une] discordance » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Absurdité, 1, 2, étym.).
  • 4
    « Il s’agit de prendre la Raison par le bon bout ! » (Gaston LEROUX, Le mystère de la chambre jaune, 1907, Paris, éd. Pierre Lafitte [1932], 1re partie, chap. 7, p. 93).
  • 5
    Dictionnaire de l’Académie française, 1re éd., 1694, Esgarer.
  • 6
    Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Égarer, I, 3.
  • 7
    « Le temps ne fait rien à l’affaire, / Quand on est con, on est con. / Qu’on ait vingt ans, qu’on soit grand-père, / Quand on est con, on est con. » (Georges BRASSENS, « Le temps ne fait rien à l’affaire » (chanson), Le temps ne fait rien à l’affaire (album), 1961, France, label Philips).
  • 8
    « Ainsi le monde se remplit de sottise et de mensonge et s’y confit. » (Michel DE MONTAIGNE, Les Essais [en français moderne], Gallimard, coll. Quarto, Livre 2, Chapitre 12, p. 657).
  • 9
    « La bêtise n’est pas une carence, ni une déficience : si elle pèche, c’est par excès. On s’est fourvoyé chaque fois qu’on a voulu l’inscrire dans la sphère de l’animalité, ou dans celle de l’anormalité. Non seulement elle n’est pas une rechute dans la bestialité […] mais elle apparaît comme le « propre de l’homme » […] » (Alain ROGER, Bréviaire de la bêtise, 2008, Paris, éd. Gallimard, coll. Bibliothèque des idées, p. 12).
  • 10
    Voir le Sottisier de VOLTAIRE ou Le dictionnaire des idées reçues de FLAUBERT.
  • 11
    LITTRÉ, Dictionnaire en ligne, Sottise, 1.
  • 12
    LITTRÉ, Dictionnaire en ligne, Idiot, 1.
  • 13
    Cf. La figure de l’idiot, dont Fiodor Dostoïevski fit un héros de roman (L’idiot, paru en feuilletons dans Le Messager russe entre 1868 et 1869).
  • 14
    Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Débilité, 2.
  • 15
    Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Crétinisme.
  • 16
    Dictionnaire de l’Académie française, 5e éd., 1798, Fatuité.
  • 17
    « Peut-être que la conscience de la nullité n’est que le premier pas vers un noble essor. Les sots ne l’ont jamais. L’ignorance peut se passer longtemps de modestie ; mais, si elle vient un jour à rougir d’elle-même, elle n’est déjà plus l’ignorance. » (George SAND, « Melchior » (nouvelle), 1832, dans Œuvres de George Sand, Tome IV, 1843, Bruxelles, éd. Hauman, p. 487).
  • 18
    Comp. « On peut toujours apprendre ce qu’on ne sait pas, non ce qu’on croit savoir. » (Gustave THIBON, L’ignorance étoilée, 1974, Paris, éd. Fayard, p. 71).
  • 19
    « […] celui qui détient le pouvoir est moins prompt à s’irriter d’un manque de capacité que d’un manque de volonté. La bêtise le plonge au contraire « dans le désespoir », qui est indiscutablement un état de faiblesse ! » (Robert MUSIL, De la bêtise, 1937, Paris, éd. Allia [2015], p. 14).
  • 20
    « […] il est plus prudent de ne pas se montrer intelligent. Cette précaution pleine de défiance et qu’un observateur distrait aurait aujourd’hui grand mal à déchiffrer remonte probablement à un temps où le faible avait tout intérêt à passer pour un idiot quand son intelligence aurait pu être une menace pour la vie du fort ! La bêtise en revanche endort la méfiance ; elle « désarme », comme on dit encore de nos jours. » (Robert MUSIL, De la bêtise, 1937, Paris, éd. Allia [2015], p. 14).
  • 21
    Dictionnaire de l’Académie française, 8e éd., 1935, Stupidité.
  • 22
    Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Pesanteur, 3.
  • 23
    LITTRÉ, Dictionnaire en ligne, Stupeur, 2.
  • 24
    Dictionnaire de l’Académie française, 8e éd., 1935, Stupeur.
  • 25
    « L’esprit s’attache par paresse et par constance à ce qui lui est facile ou agréable : cette habitude met toujours des bornes à nos connaissances ; et jamais personne ne s’est donné la peine d’étendre et de conduire son esprit aussi loin qu’il pouvait aller. » (François DE LA ROCHEFOUCAULD, Réflexions ou sentences et maximes morales, 1664, Paris, éd. Didot [1815], maxime n° 505).
  • 26
    « La bêtise, c’est de la paresse. […] La bêtise, c’est un type qui vit et il se dit « ça me suffit. Ça me suffit. Je vis, je vais bien, ça me suffit. » Et il se botte pas le cul tous les matins en disant « C’est pas assez. Tu ne sais pas assez de choses, tu ne vois pas assez de choses, tu ne fais pas assez de choses. » C’est de la paresse, je crois, la bêtise. Une espèce de graisse autour du cœur qui arrive, une espèce de graisse autour du cerveau. Je crois que c’est ça. » (Jacques Brel, « Brel parle », entretien filmé avec Henri Lemaire, au bar The Gallery à Knokke (Belgique), 1971, réal. Marc Lobet).
  • 27
    « D’abord moi, ensuite vous [son maître], voilà comme cela est arrangé dans mon esprit ; et puis le reste du monde va comme il peut. » (MARIVAUX, L’heureux stratagème, 1733, Paris, Acte II, scène 1, Arlequin à Dorante).
  • 28
    « […] on est l’esclave de son ignorance. » (Jonathan BOCQUET, « De l’idéal de la Table Ronde à la pratique du pouvoir », dans Florian BESSON et Justine BRETON [coll.], Kaamelott. Un livre d’histoire, 2018, Paris, éd. Vendémiaire, p. 297, note 17).
  • 29
    « La plupart des gens répètent comme des perroquets ce qu’ils ont entendu dire à des demi-savants qui, n’ayant que des connaissances imparfaites, raisonnent le plus souvent de travers. » (VAUBAN, Lettre à Le Peletier de Souzy, 6 oct. 1695, dans Vauban. Sa famille et ses écrits, ses « Oisivetés » et sa Correspondance, Tome 2, 1910, Paris, éd. Berger-Levrault, p. 441).
  • 30
    « Suffisance, signifie aussi, Capacité, aptitude pour quelque employ. » (Dictionnaire de l’Académie française, 1re éd., 1694, Suffisance).
  • 31
    « Suffisance, se dit aussi en mauvaise part, d’une grande présomption fondée sur un faux mérite, sur une trop bonne opinion qu’on a de soi-même. Les riches sots ne manquent point d’avoir de la suffisance. » (Antoine FURETIÈRE, Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts, 1690, La Haye, éd. Leers, Suffisance, 3).
  • 32
    « C’est un terrible fléau que l’ignorance ; c’est la source de mille maux pour l’humanité. Elle répand comme un voile épais sur nos actions, obscurcit la vérité, et couvre d’ombre la vie de chacun de nous. » (Lucien de Samosate, « Qu’il ne faut pas croire légèrement à la délation », Œuvres complètes, Rome antique, IIe s., chap. LIX, §1).
  • 33
    « […] sitôt qu’ils peuvent c’est bien simple tous les gens vous font perdre des heures, des mois… vous leur servez comme de fronton à faire rebondir leurs conneries… et bla ! et bla ! et reblabla ! … une heure de cette complaisance vous aurez quinze jours à vous remettre… bla ! bla ! […] » (Louis-Ferdinand CÉLINE, Nord, 1960, Paris, éd. Gallimard [1976], coll. Folio, p. 258).
  • 34
    « Et s’ils n’étaient que nuls, incultes et creux, par la grâce d’un quart de siècle de crétinisme marxiste scolaire, renforcé par autant de diarrhéique démission parentale, passe encore. Mais le pire est qu’ils sont fiers de leur obscurantisme, ces minables. Ils sont fiers d’être cons. » (Pierre Desproges, « Non aux jeunes » (épisode), Chroniques de la haine ordinaire, émission de radio, 9 avr. 1986, France Inter).
  • 35
    « Que l’on soit ignorant par état, ou par volonté de le demeurer, parce que l’on tient davantage à ses préjugés qu’aux progrès de la connaissance, devrait s’accompagner de la plus grande discrétion. » (Christian CHARRIÈRE-BOURNAZEL, président du Conseil national des barreaux, « Lettre ouverte à Christophe Sirugue » (député-maire de Chalon-sur-Saône), Le Journal de Saône et Loire [en ligne], 25 avr. 2013).
  • 36
    Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Fat, 2.
  • 37
    « Mes amis, la plus grande marque de stérilité spirituelle est l’entassement des faits. » (Honoré DE BALZAC, La maison Nucingen, 1838, dans La femme supérieure ; La maison Nucingen ; La torpille, Tome 2, Paris, éd. Werdet, p. 276).
  • 38
    « Un fat est celui que les sots croient un homme de mérite. » (Jean DE LA BRUYÈRE, Les caractères de Théophraste, traduits du grec, avec Les caractères ou les mœurs de ce siècle, 1688, Paris, éd. Michallet, p. 311).
  • 39
    « Il reste que l’intelligence, la vraie intelligence politique, ce n’est pas de savoir vibrionner au jour le jour ou de gérer sa « com », c’est la capacité à s’adapter au monde tel qu’il est. » (Roland HUREAUX, « Macron est-il si clairvoyant ? », Causeur [en ligne], 16 juil. 2018).
  • 40
    « Le cerveau de l’imbécile n’est pas un cerveau vide, c’est un cerveau encombré où les idées fermentent au lieu de s’assimiler, comme les résidus alimentaires dans un colon envahi par les toxines. » (Georges BERNANOS, La France contre les robots, 1944, Paris, éd. Robert Laffont [1947], p. 186)
  • 41
    Cf. le cuistre : « Pédant qui fait parade de ses lectures, de sa culture, fausse ou véritable, et qui manque de savoir-vivre. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Cuistre, 2). Et le pédant : « Personne qui fait montre de son savoir, de son érudition avec suffisance, ou qui reprend volontiers les autres et leur fait la leçon. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Pédant, 2).
  • 42
    Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Arrogance.
  • 43
    Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Péremptoire, 2.
  • 44
    « C’est une très méchante manière de raisonner, que de rejeter ce qu’on ne peut comprendre. » (François-René DE CHATEAUBRIAND, Génie du christianisme, 1802, Tome 1, Paris, éd. Migneret, Livre I, chap. 3, p. 18). « C’est une hardiesse dangereuse et de conséquence, outre l’absurde témérité qu’elle traîne avec elle, que de mépriser ce que nous ne concevons pas. » (Michel DE MONTAIGNE, Les Essais [en français moderne], Paris, éd. Gallimard, coll. Quarto, Livre 3, chap. 27, p. 225)
  • 45
    « C’est la profonde ignorance qui inspire le ton dogmatique. Celui qui ne sait rien croit enseigner aux autres ce qu’il vient d’apprendre lui-même […] » (Jean DE LA BRUYÈRE, Les caractères de Théophraste, traduits du grec, avec Les caractères ou les mœurs de ce siècle, 1688, Paris, éd. Michallet, p. 212).
  • 46
    « Mais les esprits qui se contentent d’une certaine portion, étroite et distincte, de la vérité acquise, auront toujours, dans la discussion, beaucoup d’avantage apparent sur ceux qui cherchent dans l’inconnu une vérité plus vaste et plus idéale. » (George SAND, Jeanne, 1844, Bruxelles : Hauman, Tome II, p. 160).
  • 47
    Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Ambition, 1.
  • 48
    Cf. le célèbre adage latin « Errare humanum est, perseverare diabolicum » (l’erreur est humaine mais la persévérance dans l’erreur est diabolique).