La gastronomie, l’art des saveurs

1. Comme il existe une haute couture et une haute culture, le créateur a voulu que s’élabore une haute cuisine : la gastronomie, étymologiquement l’art de régler l’estomac1« Le mot Gastronomie, mot charmant qui embrasse tous les attributs de la gourmandise perfectionnée, ne date que d’environ quarante ans [1800]. Il a succédé au mot gastromanie plus vieux de cent cinquante ans, qui désigne tout simplement un penchant décidé pour la bonne chère, mais sans règle, sans méthode, et qui confond dans sa généralité et la passion vorace du goinfre Vitellius et le goût délicat de l’épicurien Lucullus. » (G.-P. PHILOMNESTE, Le Livre des Singularités, 1841, Lyon, éd. Lagier, p. 159)., devenu l’art de faire bonne chère, « ce grand art de sentir, d’exprimer, de diriger et de nuancer les jouissances de la table et les raffinements de la gourmandise »2G.-P. PHILOMNESTE, Le Livre des Singularités, 1841, Lyon, éd. Lagier, pp. 159-160.. Évidemment, il en a chargé les Français, peuple épicurien et inventif, aussi orgueilleux que sensuel, cultivant le goût de l’excellence et le sens des proportions.

2. Moins généreuse que dans le Sud mais plus variée que dans le Nord, la nature a fait de ce pays admirable le parfait terreau de l’art gastronomique : poissons et gibier, fruits et légumes, vins et fromages ; on y trouve de tout, tant en quantité qu’en qualité. Ce ne sont ni les juteuses oranges de la Grèce, ni les merveilleuses tomates de l’Italie mais pour peu que l’on sache planter les bonnes pousses aux bons endroits, que l’on parvienne à tirer parti des pâturages et des vallées, la bonne terre de France produit d’innombrables richesses, façonnées de main d’homme (et de femme).

3. L’un des grands atouts des Français est cette faculté à savoir mettre en valeur le moindre arpent de terrain, le moindre lopin de terre : partout, il se trouvera toujours des gens entreprenants pour faire fructifier ce qui gagnerait à l’être, à condition bien sûr d’en retirer les fruits, au propre comme au figuré — en France, on n’est pas fainéant, on veut juste savoir pourquoi (et pour qui) l’on travaille3« L’esprit est un mélange de la connaissance des choses et des hommes ; et la société où l’on agit sans but, et pourtant avec intérêt, est précisément ce qui développe le mieux les facultés les plus opposées. » (Mme DE STAËL, De l’Allemagne, Tome 1, 1810, Paris, éd. Nicolle, p. 19).. Le Français — qui est sensé, malin et raisonneur — aime avoir son affaire à lui, sa propriété bien en main et pouvoir parler de son ouvrage, si possible en se haussant du col4« Se hausser, se pousser du col, se donner de grands airs, chercher à se faire valoir. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Col, I, 1, En parlant d’êtres humains, Familier)..

4. On ne peut rien comprendre de la gastronomie française si l’on ignore que François Vatel, le cuisinier du prince de Condé, préféra se suicider le 24 avril 1671 plutôt que d’essuyer l’affront d’une table indigente — la marée n’arrivant pas, il crut qu’il n’aurait rien d’autre à servir que des accompagnements… C’est qu’en France, la nourriture est indissociable de l’apparat5« Les Français saisissant les saveurs qui doivent dominer dans chaque ragoût, surpassèrent bientôt leurs maîtres, & les firent oublier : dès lors, comme s’ils s’étaient défié d’eux-mêmes sur les choses importantes, il semble qu’ils n’ont rien trouvé de si flatteur que de voir le goût de leur cuisine l’emporter sur celui des autres royaumes opulents, & régner sans concurrence du septentrion au midi. » (Chevalier JAUCOURT, « Cuisine (Art mécanique) », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Tome 4, 1751/1772, Paris, éd. Le Breton, Durand, Briasson & David, p. 538). : on ne se contente pas de se nourrir, même si en sortant de table, on a rarement faim ; on dresse la table comme on installe un décor puis on y fait s’y succéder plusieurs plats, que l’on déguste avec des ustensiles conçus à chaque usage.

« Mais voici ce que j’apprends en entrant ici, dont je ne puis me remettre, et qui fait que je ne sais plus ce que je vous mande [écris] ; c’est qu’enfin Vatel, le grand Vatel, Maître d’Hôtel de Monsieur Fouquet, qui l’était présentement de Monsieur le Prince, cet homme d’une capacité distinguée de toutes les autres, dont la bonne tête était capable de contenir tout le soin d’un État ; cet homme donc que je connaissais, voyant ce matin à huit heures que la marée n’était point arrivée, n’a pu soutenir l’affront qu’il a vu qui l’allait accabler, & en un mot il s’est poignardé.
Vous pouvez penser l’horrible désordre qu’un si funeste accident a causé dans cette fête. Songez que la marée est peut-être arrivée comme il expirait. Je n’en sais pas davantage présentement ; je pense que vous trouvez que c’est assez. Je ne doute pas que la confusion n’ait été grande ; c’est une chose fâcheuse à une fête de cinquante mille écus. »6Mme DE SÉVIGNÉ, Lettre à Mme de Grignan, le 24 avr. 1671, chez M. de La Rochefoucauld, dans Recueil des lettres de Mme la marquise de Sévigné, Tome 1, 1754, Paris : éd. Rollin, pp. 195-196.

5. Dans toutes les familles françaises (en tout cas, dans toutes celles que l’autrice a visitées, dont beaucoup étaient modestes7« […] le plaisir de la table est de tous les âges, de toutes les conditions, de tous les pays et de tous les jours ; il peut s’associer à tous les autres plaisirs, et reste le dernier pour nous consoler de leurs pertes. » (G.-P. PHILOMNESTE, Le Livre des Singularités, 1841, Lyon, éd. Lagier, p. 161).), se trouvent des armoires et des buffets comprenant des services, ensembles de pièces de vaisselle (assiettes petites et grandes ; carafes, verres à eau, à vin et à liqueur ; plats divers, soupière et saucière, etc.) et bien sûr les couverts (couteaux, cuillers petites et grandes, fourchettes, y compris à huîtres et à gâteaux, et les couverts à poissons). On les sort naturellement, dès qu’il y a du monde : c’est un rituel que l’on apprend dès l’enfance.

6. Il y a aussi la panière, le couteau à pain et le beurrier, le sel et le poivre, la nappe et les serviettes, le citron s’il y a des crustacés, éventuellement les rince-doigts, des petits bols pour l’apéritif ou la mayonnaise, etc. Rien qu’à regarder la table en début de repas, on devine si l’on mangera de la viande, du poisson ou les deux, si l’on boira du vin blanc, du vin rouge ou les deux, s’il y aura du champagne ou un trou normand…

7. Ainsi donc le repas s’assimile à une pièce de théâtre déployant, sur une scène recouverte d’une nappe (la table dressée), des protagonistes (les plats), des figurants (les convives) et des accessoires (les couverts). À table en effet, les vraies attractions et curiosités ne sont pas les commensaux (d’ailleurs, il convient de se tenir pour ne pas gâcher le plaisir des autres8« Jésus-Christ crut devoir accepter l’invitation de Cana : c’est son affaire et cela ne regarde que lui. / Mais l’attitude qu’il prit à table, les tours de passe-passe qu’il exécuta avec les breuvages, toutes — passez-moi le mot — galipettes auxquelles il se livra pendant le repas, sont de la dernière incorrection et tout à fait indignes d’un Divin Sauveur. / Le fils de Dieu perdit là une occasion de rester tranquille. » (Alphonse ALLAIS, « La vie drôle. Supériorité de la vie américaine sur la nôtre », Le Journal. Quotidien, littéraire, artistique et politique, 11 juil. 1895, pp. 1-2, spec. p. 1, col. 6).) mais bien les plats9« Dans un dîner bien composé, toute phrase commencée doit être suspendue à l’arrivée d’une dinde aux truffes. » (G.-P. PHILOMNESTE, Le Livre des Singularités, 1841, Lyon, éd. Lagier, p. 162). et la table elle-même : les tissus, l’argenterie, les fleurs et parures de toutes sortes, voire dans les grandes maisons ou les grands restaurants le personnel de service s’activant — empressé et suivant une chorégraphie savamment rodée par la tradition — à satisfaire les désirs des hôtes.

8. Au fond, la gastronomie et son décorum s’assimilent à une science du plaisir (visuel, olfactif puis gustatif) : associer des saveurs et, mieux encore, les conjuguer, autrement dit les combiner en les associant, pas simplement les juxtaposer dans un plat ou une assiette mais les marier, c’est-à-dire les assortir et les accorder. En somme, on a fait d’un besoin (la nutrition) un plaisir10« Le créateur, en obligeant l’Homme à manger pour vivre, l’y invite par l’appétit et l’en récompense par le plaisir. » (G.-P. PHILOMNESTE, Le Livre des Singularités, 1841, Lyon, éd. Lagier, p. 159). (la dégustation). Si « La langue de la cuisine manie volontiers l’hyperbole »11« Bonne dégustation », Dire, Ne pas dire, Extensions de sens abusives, Académie française [en ligne], 1er juil. 2021., il est indiscutable que la (bonne) table procure des jouissances aussi raffinées qu’intenses — à condition, naturellement, d’y avoir été initié.

9. Or l’éducation à la gastronomie, à l’alimentation et à la diététique fait souvent défaut, alors même que la santé est dans l’assiette et que, bien caressées, les papilles savent réjouir jusqu’à l’âme — c’est peu de dire que la cuisine contribue au bonheur du genre humain12« La découverte d’un mets nouveau fait plus pour le bonheur du genre humain que la découverte d’une étoile. » (Jean Anthelme BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, Tome 1, 1824, Paris, éd. Sautelet, p. x, Aphorisme n° 9)., puisque chacun éprouve quelque réconfort à manger ne serait-ce qu’une bonne soupe bien chaude ou un quignon de pain accompagné d’un morceau de fromage13« Le plaisir de la table est de tous les âges, de toutes les conditions, de tous les pays et de tous les jours ; il peut s’associer à d’autres plaisirs, et reste le dernier pour nous consoler de leur perte. » (BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, Tome 1, 1824, Paris, éd. Sautelet, p. ix, Aphorisme n° 7)..

10. À cet égard, Jaucourt distingue nettement entre la cuisine (la nécessité) et la gastronomie (le plaisir) : « cet art de flatter le goût, ce luxe, j’allais dire cette luxure de bonne chère dont on fait tant de cas, est ce qu’on nomme dans le monde la cuisine par excellence ; Monta[i]gne la définit plus brièvement la science de la gueule ; & M. de la Mothe le Vayer, la Gastrologie. Tous ces termes désignent proprement le secret réduit en méthode savante, de faire manger au-delà du nécessaire ; car la cuisine des gens sobres ou pauvres, ne signifie que l’art le plus commun d’apprêter les mets pour satisfaire aux besoins de la vie. »14Chevalier JAUCOURT, « Cuisine (Art mécanique) », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Tome 4, 1751/1772, Paris, éd. Le Breton, Durand, Briasson & David, p. 537.

11. Mais le présent propos s’inscrivant dans une perspective artistique ou esthétique, attachons-nous à l’excellence des préparations culinaires — atteinte, suppose Jaucourt15« […] l’habitude de manger toujours les mêmes choses, & à peu près apprêtées de la même manière, enfanta le dégoût, le dégoût fit naître la curiosité, la curiosité fit faire des expériences, l’expérience amena la sensualité ; l’homme goûta, essaya, diversifia, choisit, & parvint à se faire un art de l’action la plus simple & la plus naturelle. » (JAUCOURT, « Cuisine (Art mécanique) », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, op. cit., Tome 4, p. 538)., par l’effet conjugué de la curiosité et de l’expérience — et, plus encore, à leur dégustation, c’est-à-dire à cette pratique du jugement des saveurs. Si la gustation renvoie simplement à la « Sensation du goût, [à la] perception des saveurs »16Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Gustation., la dégustation — apanage du gourmet — s’entend de l’art de « Goûter en connaisseur une boisson, un aliment, pour en discerner les caractères et en apprécier la qualité »17Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Déguster, 1., de le « savourer pleinement »18Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Déguster, 2..

12. Insistons pour les Américains, du moins pour ceux qui s’imaginent qu’un soda bu sur un plat préparé constitue une déclinaison acceptable de l’accord mets et vin — lequel relève de la sommellerie, le sommelier ayant charge de choisir et servir les vins en fonction des plats figurant au menu…

13. D’abord, l’art de la dégustation ne se conçoit pas sans une certaine lenteur19« Se délecter de quelque chose, avec une lenteur qui prolonge le plaisir. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Savourer, Figuré). et concentration20« Goûter un aliment, une boisson lentement, avec attention et plaisir. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd.,  Savourer). ; il faut être à ce que l’on fait. Ensuite, il convient de procéder par ordre : la vue en premier lieu21« La cuisine s’adresse à tous les sens, l’ouïe lorsqu’on en parle, la vue lorsque apparaît un plat bien dressé (ce qui ne veut pas dire de façon compliquée), le sens olfactif quand on en hume les effluves, le goût lorsque le palais est tapissé par une sauce subtile, sans oublier le toucher lingual quand avec ravissement une pâte feuilleté friable à souhait vient s’y écraser. » (André GUILLOT, « Préface », dans Marie-Claude BISSON, La bonne cuisine française, 1979, Paris, éd. France Loisirs / Solar, p. 10). (observer l’ordonnancement de la table puis la disposition des aliments dans l’assiette, l’harmonie des formes et des couleurs), l’odorat en second lieu22« Le nez est la boussole du gourmand. » (G.-P. PHILOMNESTE, Le Livre des Singularités, 1841, Lyon, éd. Lagier, p. 161). (se pencher doucement sur l’assiette pour en recueillir le fumet, plonger son nez dans le verre pour percevoir les émanations du vin). Enfin et, devrait-on dire, seulement, on peut s’apprêter à goûter son plat : cessons de parler puis portons à la bouche une première gorgée (vin) ou bouchée (mets) et mastiquons-la « en exerçant [son] sens du goût. »23« Percevoir la saveur de quelque chose en exerçant le sens du goût. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., I. Goûter, I, 1).

14. C’est que les saveurs ne sont pas monolithiques ; les thés24« Cette recherche du reste de saveur peut également s’expliquer chez les Chinois par leur dégustation du thé. En buvant la première gorgée, c’est la saveur amère qui intervient dans la bouche, mais après quelques secondes, cette amertume va se transformer fabuleusement en saveur douce et suave. On l’appelle en chinois « hui wei gan tian » (un retour au sucré). Tout le plaisir du thé est dans la sensation de cette transformation graduelle entre deux pôles des goûts. Pendant que l’amer se dissipe, le sucré se sent peu à peu jusqu’à sa plénitude. » (Ming ZHAO, La différence des stratégies ou la différence de l’axiologie. Une exploration de la pensée de François Jullien, 2012, Thèse de littérature, Université Michel de Montaigne-Bordeaux III / Université de Wuhan (Chine), p. 246)., les vins et spiritueux notamment offrent en bouche une succession de sensations qui ravissent le gourmet : d’abord l’attaque du palais avec les premières saveurs, puis la chair et consistance de la gorgée que l’on grume (faire entrer un mince filet d’air dans la bouche) et mâche (attendre que le vin se mélange à la salive), enfin la longueur en bouche qui prolonge le plaisir en dévoilant de nouvelles notes. Disons toutefois que si la finesse du palais s’exerce, se travaille et se développe, elle est — comme toute sensibilité — innée pour l’essentiel25« On naît gourmet. Le vrai gourmet est celui qui se délecte d’une tartine de beurre comme d’un homard grillé, si le beurre est fin et le pain bien pétri. » (COLETTE, « J’aime être gourmande », Marie-Claire [revue], 27 janv. 1939, n° 100, pp. 36-37 & 51, spéc. p. 36). : l’éducation au goût la révèle plus qu’elle ne l’inculque…

15. Si l’autrice n’est pas une grande cuisinière — pour cela, on doit aimer travailler la matière et sculpter l’éphémère (il faut aussi supporter de se salir les mains) —, elle croit avoir compris que l’aromatique est à la cuisine ce que l’harmonique est à la musique : les saveurs dominantes figurent la mélodie quand l’harmonie (l’orchestration) découle de l’accompagnement et de l’assaisonnement.

16. Dès lors, le cuisinier travaille d’après sa palette aromatique — les sept grandes saveurs, qui sont des goûts autant que des sensations : le sucré (le raisin) et le salé (l’huître), l’acide (le citron) et l’amer (l’endive), également le piquant (le piment), l’astringent (la poire) et l’umami (le crabe) —, palette qui s’entend donc de l’ensemble des goûts et saveurs rendus disponibles par l’effort conjugué de la nature et de l’humanité.

17. C’est que la gastronomie s’épanouit entre les métiers de bouche — la pêche, l’élevage et l’agriculture, l’affinage, la vinification et la distillation, la boucherie, la boulangerie et la pâtisserie, qui tous font partie de l’histoire de France, fiertés justifiant l’existence et assurant la perpétuation des traditions (quand on nourrit ses concitoyens, on sait pourquoi on se lève le matin) — et, bien entendu, les arts de la table (la céramique, la verrerie, le tissage, l’ébénisterie, la coutellerie, etc.).

18. Si les produits doivent être bons, c’est-à-dire sains et à point (frais, mûrs, affinés), la préparation compte tout autant (émincer, râper, saisir, étuver) ; de même, si la nourriture doit être savoureuse, c’est-à-dire excellente et goûteuse, la présentation est identiquement importante26« La cuisine japonaise, a-t-on pu dire, n’est pas chose qui se mange, mais chose qui se regarde ; dans un cas comme celui-là, je serais tenté de dire : qui se regarde, et mieux encore, qui se médite ! » (Junichirô TANIZAKI, Éloge de l’ombre, 1933, Paris, éd. Publications orientalistes de France [1986], trad. René Sieffert, p. 46). (le dressage de la pièce montée, la disposition des couverts, la composition de l’assiette).

19. Par où la lectrice comprend que la cuisine se donne comme un composé d’intentions27« Entre une mauvaise cuisinière et une empoisonneuse, il n’y a qu’une différence d’intention. » (Pierre DESPROGES, Fonds de tiroir, 1990, Paris, éd. Points [2008], coll. Points-Humour, p. 140). et de sentiments28« In vrai gôrmand, m’est avis qu’o faut autant de finesse dans la goule que de pouésie dans le thieur [cœur] ! Parfaitement : noute thieusine [cuisine] réghionale est-elle point le bouthiet [bouquet] de tous les parfums de noute terroèr ? Est-elle pas faite d’ine raballée [quantité] des souvenances des bounes maisons des temps d’autefoès ? » (Odette COMANDON, « Préface », de J.-E. PROGNEUX (grand brûleur des alambics charentais), Recettes et spécialités gastronomiques charentaises, 4e éd., 1971, La Rochelle , éd. Quartier latin, p. 10)., exprimé par la sélection et la préparation des produits. À cet égard, plus la préparation est simple, plus les produits doivent être de qualité29« Je n’ai pas besoin d’ajouter que vous tirez un parti excellent du poulet jeune — ne confondez pas avec le poussin blafard ! — fendu en deux, aplati à la hachette ou au battoir, des petits gibiers frais, confiés à la même braise. Vous faites fi de cette cuisine de campeurs et de braconniers ? Comme vous avez tort ! À repas simple, il faut aliments de qualités. Ceux que je prône ici, vous laissent la bouche nette et l’estomac léger. » (COLETTE, « J’aime être gourmande », Marie-Claire [revue], 27 janv. 1939, n° 100, pp. 36-37 & 51, spéc. p. 51). ; l’inverse est également vrai — ne noyez pas les crustacés, viandes et volailles sous des tombereaux de sauce plus ou moins lourde. Les assaisonnements et accompagnements sont en effet destinés à mettre en valeur les pièces maîtresses (les viandes et les poissons, aujourd’hui les légumes et les fruits), non à les dissimuler.

20. Révéler les saveurs des produits (par la vapeur, par un corps gras) et les associer entre elles pour constituer un plat emblématique — voire iconique — est le grand office de la cheffe, raison pour laquelle la cuisine requiert la pleine et entière attention de celui ou de celle qui officie — voyez la confection des confitures par George Sand30« Mon cher ami, j’ai fait une quarantaine de livres de confitures de prunes […] J’en ferai d’autres à ton intention. Les femmes que tu m’enverrais ne me serviraient à rien, car on ne peut pas confier cette besogne. Il faut la faire soi-même et ne pas la quitter d’un instant. C’est aussi sérieux que de faire un livre. » (George SAND, Lettre à Jules Néraud, en août 1844, à Nohant, dans Correspondance [textes réunis, classés et annotés par Georges Lubin], Tome 6, 1964/1991, Paris, éd. Garnier, coll. Classiques Garnier, p. 612).. C’est qu’il y a quelque magie, du moins une alchimie dans la gastronomie : « Si vous n’êtes pas capable d’un peu de sorcellerie, ce n’est pas la peine de vous mêler de cuisine »31« Un vieux gril, à trois pieds hauts, salamandre tordue au service de la flamme, reçoit le poisson bénis de sauce, et le tout se plante d’aplomb, en plein enfer. Là !… Vous n’en êtes pas encore à la maîtrise de l’homme du Dom, l’homme de qui l’on ne voit que l’ombre sur le feu, le bras noir armé du balai aromatique, le bras noir sans cesse humectant, aspergeant, retournant le poisson sur le gril, pendant… Pendant combien de temps ? L’homme noir le sait. Il ne mesure rien, il ne consulte pas de montre, il ne goûte pas, il sait. C’est affaire d’expérience, de divination. Si vous n’êtes pas capable d’un peu de sorcellerie, ce n’est pas la peine de vous mêler de cuisine. » (COLETTE, « Le poisson au coup de pied », Prisons et paradis, 1932, Paris, éd. Hachette, pp. 67-71, spéc. pp. 70-71)., disait Colette à juste titre.

21. Initialement, l’autrice avait envisagé un plan en trois parties (trois services) : le terroir (réparti entre nature et culture), la cuisine (distribuée entre préparation et cuisson) et l’alchimie (partagée entre harmonie et magie). Elle y aurait détaillé les principes32« La cuisine française, la vraie, est à cheval sur les principes, sur cinq ou six grands principes que je révère. » (COLETTE, « J’aime être gourmande », Marie-Claire [revue], 27 janv. 1939, n° 100, pp. 36-37 & 51, spéc. p. 36). et techniques de la cuisine : l’émulsion, la caramélisation, le vieillissement, la distillation — autant de transformations qui subliment les produits, les portent à maturité, les font changer de nature33« […] les plats diffèrent moins par les ingrédients qui les composent que par les traitements qu’on leur fait subir et qui définissent en propre la cuisine […] » (Pierre BOURDIEU, « Le sens pratique », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 2, n° 1, fév. 1976, pp. 43-86, spéc. p. 77)..

22. C’est évidemment à la sauce que l’on songe : onctueuse et raffinée ou plus légère mais tout aussi savoureuse, elle demeure l’essence de la grande cuisine française — d’ailleurs, la conception d’une sauce succulente demeure « le plus incontestable des repères de la civilisation et de l’élévation de l’esprit. »34Ambrose BIERCE, Le Dictionnaire du diable, 1911, Marseille, éd. Rivages [1989], coll. Bibliothèque étrangère, trad. Bernard Sallé, Sauce, p. 256. Patiemment, méthodiquement, la gastronomie moderne parvint à affiner les goûts et les saveurs35« Alors que tout se modifie et se transforme, il serait absurde de prétendre fixer les destinées d’un art qui relève par tant de côtés de la mode, et est instable comme elle. Mais ce qui existait déjà au temps de Carême [le cuisinier de Talleyrand], qui existe encore de nos jours, et qui existera aussi longtemps que la cuisine elle-même, c’est le fonds de cette cuisine ; car si elle se simplifie extérieurement, elle ne perd pas sa valeur, au contraire. Et les goûts s’affinant sans cesse, elle-même s’affine perpétuellement pour les satisfaire. […] elle deviendra même plus scientifique et plus précise. » (Citation attribuée à Auguste Escoffier). : le beau, le bon et le vrai sont obtenus voire conquis par la cuisine, c’est-à-dire la préparation et l’élaboration, autrement dit par l’artisanat36« Ne pas oublier qu’un bon repas doit être un beau repas et qu’un beau repas doit être un bon repas. / Dans l’art de la cuisine, le beau c’est le bon. / En conséquence, pas de préparation alambiquée, sophistiquée, fardée, maquillée. La vérité, rien que la vérité. / La cuisine doit être vraie parce qu’elle est l’expression d’une éthique issue des profondeurs de notre civilisation. C’est un humanisme, un art de vivre, une pratique qui, autour d’une bonne table, permet d’améliorer et de conserver les rapports humains. La cuisine est un ensemble, un tout, une entité. N’oublions pas d’autre part que toute préparation destinée à nourrir l’être humain peut être et doit être de la cuisine. / La cuisine, expression artistique impliquant une relation entre la pensée, inspiratrice, et l’exécution de cette pensée, peut revendiquer à juste titre, me semble-t-il, sa place aux côtés des arts majeurs ses frères, la musique et la peinture : si le peintre dispose de sept couleurs, le musicien de sept sons, le cuisinier a en effet à son service sept saveurs, ce qui ne veut pas dire que l’art de la cuisine réside uniquement dans la confection de plats dispendieux employant à profusion truffe, foie gras, homard, etc. / En effet, une simple purée de pommes de terre faite comme on doit la faire peut être et doit être de la vraie cuisine. » (André GUILLOT, « Préface », dans Marie-Claude BISSON, La bonne cuisine française, 1979, Paris, éd. France Loisirs / Solar, pp. 10-11)..

23. Ainsi la vraie cuisine doit-elle suivre trois principes : « simplicité, rigueur, minutie ; simplicité dans la conception, rigueur dans le choix des produits, du matériel et de l’arrangement de la table, minutie dans l’exécution et la préparation des mets. »37André GUILLOT, « Préface », Marie-Claude BISSON, La bonne cuisine française, 1979, Paris, éd. France Loisirs / Solar, p. 10. Poursuivons cette visite assez désordonnée des cuisines par l’évocation de la gastronomie asiatique qui est, avec la cuisine française, l’autre grand art culinaire.

24. Sans doute la gastronomie japonaise est-elle la plus spectaculaire, au moins en son élaboration38« Restaurant Japonais le Kobe. Du Sukiyaki au teppanyaki en passant par le sashimi et le sabu sabu, tout saute, tourbillonne, voltige sous vos yeux pour finir par atterrir miraculeusement dans votre assiette. » (Louis de Funès (jouant Charles Duchemin, un critique gastronomique), dans L’aile ou la cuisse, film, 1976, France, réal. Claude Zidi, prod. Les Films Christian Fechner). : « Du Sukiyaki au teppanyaki en passant par le sashimi et le sabu sabu, tout saute, tourbillonne, voltige sous vos yeux pour finir par atterrir miraculeusement dans votre assiette. » Il est certain que, dans les restaurants français, le flambage des crêpes Suzette et la découpe de la sole meunière peinent à rivaliser… Mais un restaurant n’est pas un cirque, répondra un maître d’hôtel pénétré de sa charge.

25. N’oublions pas que la France a doté sa cuisine d’une fonction diplomatique39« Le premier devoir d’un diplomate, après un Congrès, est de soigner son foie. » (TALLEYRAND, La confession de Talleyrand. 1754-1838, 1891, Paris, éd. Sauvaitre, p. 194). — gastronomie française qu’Uderzo et Goscinny ont mis à l’honneur dans une aventure d’Astérix en égrenant une litanie de proverbes tous frappés au coin du bon sens : « Quand l’appétit va, tout va ! », « Un bon vin ne peut faire que du bien ! », « Le tout, c’est de ne pas abuser des sauces ! », « Un morceau de fromage fait digérer tout le repas. »40René GOSCINNY & Albert UDERZO, Le bouclier arverne, 1968, Neuilly-sur-Seine, éd. Dargaud, coll. Une aventure d’Astérix le Gaulois, planche 9.

26. Rappelons cependant à l’éventuel lecteur crédule que, s’agissant d’alcool, il convient de boire modérément et — chose aussi importante — d’éviter les mélanges41« Certains jeunes gens ne savent pas assez que le mélange des vins, même pris en quantité relativement minime, a de graves inconvénients et amène l’étourdissement, sinon l’ivresse, aussi bien que l’excès. » (M. SALVA, Le savoir-vivre pour les jeunes gens, 1898, Paris, éd. Bloud & Barral, p. 58).. Tout — jusqu’au choix du café42« Notez, je vous prie — je m’adresse aux lectrices qui déjeunent chez elles — que le café médiocre coûte presque aussi cher que le bon café. Vous achèterez donc du café peu torréfié, à petits grains, couleur de cigare et non pas tête de nègre. » (COLETTE, « J’aime être gourmande », Marie-Claire [revue], 27 janv. 1939, n° 100, pp. 36-37 & 51, spéc. p. 37). — obéit à certaines règles, et l’invitation à dîner (ou à déjeuner) elle-même, ainsi que son acceptation doivent suivre certaines formes43« N’interposez jamais moins de quatre jours, ni plus de quinze entre le jour de l’invitation et celui du repas. » (G.-P. PHILOMNESTE, Le Livre des Singularités, 1841, Lyon, éd. Lagier, p. 161).. Sans doute est-ce par là que l’on distingue le gourmet du gourmand, par la recherche d’un raffinement délicat qui n’a rien à voir avec l’avidité, dénommée en fait d’appétit la gloutonnerie.

27. Les gens de goût qui vivent chichement — il en est beaucoup — savent que lorsqu’on n’a point le sou, mieux vaut manger des plats simples mais sains, par exemple des œufs à la coque agrémentés de mouillettes grillées couvertes de beurre et de (fleur de) sel — que des plats plus complexes mais de moindre qualité. Par où l’on touche à la (vraie) gourmandise, cette érudition du palais.

28. Divin péché et faute succulente, la gourmandise est le moins blâmable des vices — seul le gaspillage est un crime — et l’église elle-même s’est toujours montrée très tolérante en la matière44« La gourmandise, le péché des moines vertueux, lui tendit les bras ; il s’y précipita comme il s’était précipité dans l’adoration des œuvres d’art et dans son culte pour la musique. » (Honoré DE BALZAC, Le Cousin Pons, Tome 1, 1847, Bruxelles, éd. Lebègue & Sacré, p. 22). : il n’est que de voir les ventres opulents des moines, évêques et cardinaux figurant sur les gravures et peintures des siècles passés… Et pourtant, grasse et sucrée, aussi alléchante qu’irrésistible, n’apportant aucun nutriment mais pesant sur l’estomac et faisant rapidement prendre des kilos, la pâtisserie — qu’une pincée de sel, paraît-il45« Avant de rompre votre radeau de pain recuit, jetez-y une poussière de sel. Le sel mordant le sucre, le sucre très légèrement salé, encore un grand principe que négligent nombre d’entremets, et pâtisserie parisienne, qui s’affadit faute d’une pincée de sel. » (COLETTE, « J’aime être gourmande », Marie-Claire [revue], 27 janv. 1939, n° 100, pp. 36-37 & 51, spéc. p. 37)., rehausse (jouer du contraste) et relève (exalter le goût) —, la pâtisserie, sachez-le bien, est l’œuvre du diable.

29. D’ailleurs, le sucre, le gras et le sel sont les trois principaux indices d’un régime déréglé : l’obésité qui va crescendo de par le monde ne s’explique pas autrement que par l’ingestion de produits transformés, voire altérés… Mais pour ne point laisser les Américains sur une mauvaise impression (d’autant qu’ils constituent une frange importante des touristes du beau pays de France), rendons hommage à Julia Child, la cheffe cuisinière ayant popularisé outre-Atlantique la gastronomie française à la télévision, auprès d’un public qui — chacun le comprendra — en avait grand besoin, attendu que tous les peuples ne sont pas égaux devant la gastronomie (mais les Anglais n’ont jamais prétendu le contraire).

30. C’est par l’interprétation de Meryl Streep46Julie et Julia, film, 2009, États-Unis, réal. Nora Ephron, prod. Easy There Tiger & Scott Rudin., actrice touchée par la grâce, aussi juste en épouse de diplomate désœuvrée qu’en glaçante diva de la mode47Le Diable s’habille en Prada, film, 2006, réal. David Frankel, prod. Fox 2000 Pictures, Wendy Finerman & Dune Entertainment., en aventurière danoise48Out of Africa, film, 1985, États-Unis, réal. Sydney Pollack, prod. Mirage Enterprises. qu’en première ministre britannique49La Dame de fer, film, 2011, Royaume-Uni & France, réal. Phyllida Lloyd, prod. Film4, Pathé, UK Film Council, Goldcrest Films International., comédienne si subtilement intense, si charmante même dans son intensité, mais si pudique dans sa dignité qu’elle mériterait d’être française, cette femme toute d’instincts contenus et libérés à propos, ce pourquoi il était nécessaire qu’elle soit américaine — doit-on, par ailleurs, mentionner son intelligence et son élégance, qui crèvent les yeux, également sa modestie que dément une science innée du jeu, et puis une certaine lassitude, celle d’avoir à constamment expliquer ce qui, pour elle, relève de l’évidence : la nature humaine, la comédie sociale, la supériorité de l’âme ? —, c’est par Meryl Streep, donc, que l’autrice devait découvrir la très haute en couleur Julia Child…

31. Vieille âme également, plus fantasque et profondément généreuse, cette femme d’exception, dont la rigueur50« La qualité la plus indispensable du cuisinier est l’exactitude : elle doit être aussi celle du convié. » (BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, Tome 1, 1824, Paris, éd. Sautelet, p. xij, Aphorisme n° 16). égalait la gourmandise (ce qui n’est pas rien), ne pouvait que séduire par son chic et sa gouaille, la fantaisie en somme d’une princesse de la fourchette. Si l’autrice aime tant cette interprétation, c’est que Meryl Streep s’y sert d’ustensiles, de gestes et de techniques qui lui rappellent ceux dont sa grand-mère usait quand elle était petite.

32. Le ventre sanglé dans un tablier, les manches de chemisier relevées, la vigueur du poignet battant le fouet, les boucles de cheveux s’agitant à chaque mouvement, une main attrapant prestement le manche de la casserole pour la déposer sur le coin du poêle afin de la garder chaude, l’autre main soulevant un couvercle pour surveiller la cuisson puis baissant le gaz ou augmentant la flamme, et cette façon si particulière de goûter le bouillon à la cuiller avant d’ajouter de-ci de-là une pincée de sel, un soupçon d’épices, une branche de thym, comme si elle préparait un sortilège dont elle seule avait le secret…

33. Sans doute y-a-t-il des enfances sans joie et sans tendresse mais il n’y en a pas sans souvenirs de cuisine, sans ces goûts, ces odeurs, ces couleurs, sans ces mots également, qu’on n’emploie qu’à la cuisine, des noms curieux (le bain-marie, la lèchefrite, la béchamel, la macédoine, la chapelure, le court-bouillon, la crème anglaise) et des verbes étonnants : écumer, braiser, mouiller, équeuter, délayer, mijoter, concasser, écosser, pocher, saupoudrer, zester, faire blanchir ou dégorger, ébarber les moules, égoutter le riz et, surtout, bien tamiser la farine afin d’éviter les grumeaux, présage d’un agacement certain pouvant virer à la colère, la simple prononciation du mot grumeau signalant aux enfants qu’ils doivent s’éloigner de la cuisine s’ils ne veulent ramasser un coup de torchon par ricochet… Or, outre le spectacle, l’intérêt majeur de rester à la cuisine avec les adultes est évident : d’une part, savoir à l’avance ce que l’on va manger et, d’autre part, goûter les ingrédients, lécher les fonds de plat, etc.

34. Mais le propos ne serait pas complet sans l’évocation de cette autre grande figure qu’est Brillat-Savarin, magistrat et gastronome devenu critique culinaire, lequel devait donner son nom à un fromage (une pâte molle à croûte fleurie) éventuellement truffé, c’est-à-dire garni d’une préparation à la truffe (onctueuse mais fort grasse et difficile à digérer). Relativement tombé dans l’oubli, ce gastrolâtre du XIXe siècle devait donner une dimension intellectuelle à la gastronomie en en faisant une sorte de philosophie de la bonne chère51« La gourmandise est un acte de notre jugement, par lequel nous accordons la préférence aux choses qui sont agréables au goût sur celles qui n’ont pas cette qualité. » (BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, Tome 1, 1824, Paris, éd. Sautelet, pp. viij-ix, Aphorisme n° 6).. « La table est le seul endroit où l’on ne s’ennuie jamais pendant la première heure »52BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, Tome 1, 1824, Paris, éd. Sautelet, pp. ix-x, Aphorisme n° 8., disait-il.

35. Mais en une époque pressée, on passe rarement plus d’une heure à savourer ce qui, pourtant, mériterait qu’on y consacre son cœur et sa langueur… Car il y a dans la gastronomie — à la fois la préparation (la cuisine) et la dégustation (la salle à manger) — quelque chose qui relève du rituel. C’est-à-dire qu’elle appartient à l’ordre spirituel autant qu’à l’ordre esthétique, raison pour laquelle la gastronomie est indissociable des arts textiles et décoratifs. D’ailleurs, il est d’usage que les querelles cessent lorsque l’on passe à table mais l’alcool aidant, les discussions vives, voire houleuses sont fréquentes en fin de repas ; plus rarement on chante : la tradition perdure en certains endroits.

36. Ainsi, comme tous les peuples ont une cuisine — la moindre peuplade a ses habitudes culinaires53« La table est le pivot autour duquel tourne la civilisation. » (TALLEYRAND, La confession de Talleyrand. 1754-1838, 1891, Paris, éd. Sauvaitre, p. 211)., ses plats emblématiques transmis de génération en génération54« Le savoir culinaire exige des siècles de dégustation et de recettes transmises oralement de mère en fille par la langue, siège de la parole et du goût. » (Odon VALLET, Petite grammaire de l’érotisme divin, 1998, Paris, éd. Albin Michel [2005], coll. Espaces libres, p. 8). —, tous ont des coutumes et des manières de table qui répondent à l’imaginaire collectif et perpétuent l’identité locale55« L’Art Culinaire, pour la forme de ses manifestations, dépend de l’état psychologique de la société ; il suit nécessairement et sans pouvoir s’y soustraire les impulsions qu’il reçoit de celle-ci. Là où la vie aisée et facile n’est troublée par aucune préoccupation, où l’avenir est assuré et à l’abri des chances de la fortune, l’Art Culinaire prend toujours un développement considérable, parce qu’il contribue à l’un des plus agréables parmi les plaisirs qu’ils soient donnés à l’homme de goûter. » (Citation attribuée à Auguste Escoffier).. C’est un des modes du vivre-ensemble56« Les préceptes à respecter sont aussi rigoureux que nombreux. C’est que le comportement à table est la pierre de touche du savoir-vivre. » (Edmonde CHARLES-ROUX, Guide du savoir-vivre, 1965, Paris, éd. Grasset, Repas, p. 168). : unis par une certaine convivialité, le temps d’un repas, les convives vivent ensemble — c’est l’étymologie du mot. Dès l’époque latine57Michel BRÉAL & Anatole BAILLY, Dictionnaire étymologique latin, 1885, Paris, éd. Hachette, Vivo, 1, p. 444., convivo signifie aussi bien vivre avec que manger avec et convictus, vie commune autant que festin, c’est-à-dire repas commun. En somme, c’est une vérité issue du fond des âges que la commensalité est une convivialité, la gastronomie un art de vivre.

Références

— Articles

— Ouvrages

— Films

  • L’aile ou la cuisse, 1976, France, réal. Claude Zidi, prod. Les Films Christian Fechner.
  • La Dame de fer, 2011, Royaume-Uni & France, réal. Phyllida Lloyd, prod. Film4, Pathé, UK Film Council, Goldcrest Films International.
  • Le Diable s’habille en Prada, 2006, réal. David Frankel, prod. Fox 2000 Pictures, Wendy Finerman & Dune Entertainment.
  • Julie et Julia, 2009, États-Unis, réal. Nora Ephron, prod. Easy There Tiger & Scott Rudin.
  • Out of Africa, 1985, États-Unis, réal. Sydney Pollack, prod. Mirage Enterprises.

Illustrations

— Natures mortes

Avec l’aimable autorisation de l’artiste. Voir son site personnel et son compte Instagram. © Adagp, Paris, 2025 — portfolio de Caroline Yé.

— Portraits

Brillat-Savarin (1755-1826) & Julia Child (1912-2004)

  • 1
    « Le mot Gastronomie, mot charmant qui embrasse tous les attributs de la gourmandise perfectionnée, ne date que d’environ quarante ans [1800]. Il a succédé au mot gastromanie plus vieux de cent cinquante ans, qui désigne tout simplement un penchant décidé pour la bonne chère, mais sans règle, sans méthode, et qui confond dans sa généralité et la passion vorace du goinfre Vitellius et le goût délicat de l’épicurien Lucullus. » (G.-P. PHILOMNESTE, Le Livre des Singularités, 1841, Lyon, éd. Lagier, p. 159).
  • 2
    G.-P. PHILOMNESTE, Le Livre des Singularités, 1841, Lyon, éd. Lagier, pp. 159-160.
  • 3
    « L’esprit est un mélange de la connaissance des choses et des hommes ; et la société où l’on agit sans but, et pourtant avec intérêt, est précisément ce qui développe le mieux les facultés les plus opposées. » (Mme DE STAËL, De l’Allemagne, Tome 1, 1810, Paris, éd. Nicolle, p. 19).
  • 4
    « Se hausser, se pousser du col, se donner de grands airs, chercher à se faire valoir. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Col, I, 1, En parlant d’êtres humains, Familier).
  • 5
    « Les Français saisissant les saveurs qui doivent dominer dans chaque ragoût, surpassèrent bientôt leurs maîtres, & les firent oublier : dès lors, comme s’ils s’étaient défié d’eux-mêmes sur les choses importantes, il semble qu’ils n’ont rien trouvé de si flatteur que de voir le goût de leur cuisine l’emporter sur celui des autres royaumes opulents, & régner sans concurrence du septentrion au midi. » (Chevalier JAUCOURT, « Cuisine (Art mécanique) », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Tome 4, 1751/1772, Paris, éd. Le Breton, Durand, Briasson & David, p. 538).
  • 6
    Mme DE SÉVIGNÉ, Lettre à Mme de Grignan, le 24 avr. 1671, chez M. de La Rochefoucauld, dans Recueil des lettres de Mme la marquise de Sévigné, Tome 1, 1754, Paris : éd. Rollin, pp. 195-196.
  • 7
    « […] le plaisir de la table est de tous les âges, de toutes les conditions, de tous les pays et de tous les jours ; il peut s’associer à tous les autres plaisirs, et reste le dernier pour nous consoler de leurs pertes. » (G.-P. PHILOMNESTE, Le Livre des Singularités, 1841, Lyon, éd. Lagier, p. 161).
  • 8
    « Jésus-Christ crut devoir accepter l’invitation de Cana : c’est son affaire et cela ne regarde que lui. / Mais l’attitude qu’il prit à table, les tours de passe-passe qu’il exécuta avec les breuvages, toutes — passez-moi le mot — galipettes auxquelles il se livra pendant le repas, sont de la dernière incorrection et tout à fait indignes d’un Divin Sauveur. / Le fils de Dieu perdit là une occasion de rester tranquille. » (Alphonse ALLAIS, « La vie drôle. Supériorité de la vie américaine sur la nôtre », Le Journal. Quotidien, littéraire, artistique et politique, 11 juil. 1895, pp. 1-2, spec. p. 1, col. 6).
  • 9
    « Dans un dîner bien composé, toute phrase commencée doit être suspendue à l’arrivée d’une dinde aux truffes. » (G.-P. PHILOMNESTE, Le Livre des Singularités, 1841, Lyon, éd. Lagier, p. 162).
  • 10
    « Le créateur, en obligeant l’Homme à manger pour vivre, l’y invite par l’appétit et l’en récompense par le plaisir. » (G.-P. PHILOMNESTE, Le Livre des Singularités, 1841, Lyon, éd. Lagier, p. 159).
  • 11
    « Bonne dégustation », Dire, Ne pas dire, Extensions de sens abusives, Académie française [en ligne], 1er juil. 2021.
  • 12
    « La découverte d’un mets nouveau fait plus pour le bonheur du genre humain que la découverte d’une étoile. » (Jean Anthelme BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, Tome 1, 1824, Paris, éd. Sautelet, p. x, Aphorisme n° 9).
  • 13
    « Le plaisir de la table est de tous les âges, de toutes les conditions, de tous les pays et de tous les jours ; il peut s’associer à d’autres plaisirs, et reste le dernier pour nous consoler de leur perte. » (BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, Tome 1, 1824, Paris, éd. Sautelet, p. ix, Aphorisme n° 7).
  • 14
    Chevalier JAUCOURT, « Cuisine (Art mécanique) », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Tome 4, 1751/1772, Paris, éd. Le Breton, Durand, Briasson & David, p. 537.
  • 15
    « […] l’habitude de manger toujours les mêmes choses, & à peu près apprêtées de la même manière, enfanta le dégoût, le dégoût fit naître la curiosité, la curiosité fit faire des expériences, l’expérience amena la sensualité ; l’homme goûta, essaya, diversifia, choisit, & parvint à se faire un art de l’action la plus simple & la plus naturelle. » (JAUCOURT, « Cuisine (Art mécanique) », dans DIDEROT & D’ALEMBERT (dir.), L’Encyclopédie, op. cit., Tome 4, p. 538).
  • 16
    Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Gustation.
  • 17
    Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Déguster, 1.
  • 18
    Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Déguster, 2.
  • 19
    « Se délecter de quelque chose, avec une lenteur qui prolonge le plaisir. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Savourer, Figuré).
  • 20
    « Goûter un aliment, une boisson lentement, avec attention et plaisir. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd.,  Savourer).
  • 21
    « La cuisine s’adresse à tous les sens, l’ouïe lorsqu’on en parle, la vue lorsque apparaît un plat bien dressé (ce qui ne veut pas dire de façon compliquée), le sens olfactif quand on en hume les effluves, le goût lorsque le palais est tapissé par une sauce subtile, sans oublier le toucher lingual quand avec ravissement une pâte feuilleté friable à souhait vient s’y écraser. » (André GUILLOT, « Préface », dans Marie-Claude BISSON, La bonne cuisine française, 1979, Paris, éd. France Loisirs / Solar, p. 10).
  • 22
    « Le nez est la boussole du gourmand. » (G.-P. PHILOMNESTE, Le Livre des Singularités, 1841, Lyon, éd. Lagier, p. 161).
  • 23
    « Percevoir la saveur de quelque chose en exerçant le sens du goût. » (Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., I. Goûter, I, 1).
  • 24
    « Cette recherche du reste de saveur peut également s’expliquer chez les Chinois par leur dégustation du thé. En buvant la première gorgée, c’est la saveur amère qui intervient dans la bouche, mais après quelques secondes, cette amertume va se transformer fabuleusement en saveur douce et suave. On l’appelle en chinois « hui wei gan tian » (un retour au sucré). Tout le plaisir du thé est dans la sensation de cette transformation graduelle entre deux pôles des goûts. Pendant que l’amer se dissipe, le sucré se sent peu à peu jusqu’à sa plénitude. » (Ming ZHAO, La différence des stratégies ou la différence de l’axiologie. Une exploration de la pensée de François Jullien, 2012, Thèse de littérature, Université Michel de Montaigne-Bordeaux III / Université de Wuhan (Chine), p. 246).
  • 25
    « On naît gourmet. Le vrai gourmet est celui qui se délecte d’une tartine de beurre comme d’un homard grillé, si le beurre est fin et le pain bien pétri. » (COLETTE, « J’aime être gourmande », Marie-Claire [revue], 27 janv. 1939, n° 100, pp. 36-37 & 51, spéc. p. 36).
  • 26
    « La cuisine japonaise, a-t-on pu dire, n’est pas chose qui se mange, mais chose qui se regarde ; dans un cas comme celui-là, je serais tenté de dire : qui se regarde, et mieux encore, qui se médite ! » (Junichirô TANIZAKI, Éloge de l’ombre, 1933, Paris, éd. Publications orientalistes de France [1986], trad. René Sieffert, p. 46).
  • 27
    « Entre une mauvaise cuisinière et une empoisonneuse, il n’y a qu’une différence d’intention. » (Pierre DESPROGES, Fonds de tiroir, 1990, Paris, éd. Points [2008], coll. Points-Humour, p. 140).
  • 28
    « In vrai gôrmand, m’est avis qu’o faut autant de finesse dans la goule que de pouésie dans le thieur [cœur] ! Parfaitement : noute thieusine [cuisine] réghionale est-elle point le bouthiet [bouquet] de tous les parfums de noute terroèr ? Est-elle pas faite d’ine raballée [quantité] des souvenances des bounes maisons des temps d’autefoès ? » (Odette COMANDON, « Préface », de J.-E. PROGNEUX (grand brûleur des alambics charentais), Recettes et spécialités gastronomiques charentaises, 4e éd., 1971, La Rochelle , éd. Quartier latin, p. 10).
  • 29
    « Je n’ai pas besoin d’ajouter que vous tirez un parti excellent du poulet jeune — ne confondez pas avec le poussin blafard ! — fendu en deux, aplati à la hachette ou au battoir, des petits gibiers frais, confiés à la même braise. Vous faites fi de cette cuisine de campeurs et de braconniers ? Comme vous avez tort ! À repas simple, il faut aliments de qualités. Ceux que je prône ici, vous laissent la bouche nette et l’estomac léger. » (COLETTE, « J’aime être gourmande », Marie-Claire [revue], 27 janv. 1939, n° 100, pp. 36-37 & 51, spéc. p. 51).
  • 30
    « Mon cher ami, j’ai fait une quarantaine de livres de confitures de prunes […] J’en ferai d’autres à ton intention. Les femmes que tu m’enverrais ne me serviraient à rien, car on ne peut pas confier cette besogne. Il faut la faire soi-même et ne pas la quitter d’un instant. C’est aussi sérieux que de faire un livre. » (George SAND, Lettre à Jules Néraud, en août 1844, à Nohant, dans Correspondance [textes réunis, classés et annotés par Georges Lubin], Tome 6, 1964/1991, Paris, éd. Garnier, coll. Classiques Garnier, p. 612).
  • 31
    « Un vieux gril, à trois pieds hauts, salamandre tordue au service de la flamme, reçoit le poisson bénis de sauce, et le tout se plante d’aplomb, en plein enfer. Là !… Vous n’en êtes pas encore à la maîtrise de l’homme du Dom, l’homme de qui l’on ne voit que l’ombre sur le feu, le bras noir armé du balai aromatique, le bras noir sans cesse humectant, aspergeant, retournant le poisson sur le gril, pendant… Pendant combien de temps ? L’homme noir le sait. Il ne mesure rien, il ne consulte pas de montre, il ne goûte pas, il sait. C’est affaire d’expérience, de divination. Si vous n’êtes pas capable d’un peu de sorcellerie, ce n’est pas la peine de vous mêler de cuisine. » (COLETTE, « Le poisson au coup de pied », Prisons et paradis, 1932, Paris, éd. Hachette, pp. 67-71, spéc. pp. 70-71).
  • 32
    « La cuisine française, la vraie, est à cheval sur les principes, sur cinq ou six grands principes que je révère. » (COLETTE, « J’aime être gourmande », Marie-Claire [revue], 27 janv. 1939, n° 100, pp. 36-37 & 51, spéc. p. 36).
  • 33
    « […] les plats diffèrent moins par les ingrédients qui les composent que par les traitements qu’on leur fait subir et qui définissent en propre la cuisine […] » (Pierre BOURDIEU, « Le sens pratique », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 2, n° 1, fév. 1976, pp. 43-86, spéc. p. 77).
  • 34
    Ambrose BIERCE, Le Dictionnaire du diable, 1911, Marseille, éd. Rivages [1989], coll. Bibliothèque étrangère, trad. Bernard Sallé, Sauce, p. 256.
  • 35
    « Alors que tout se modifie et se transforme, il serait absurde de prétendre fixer les destinées d’un art qui relève par tant de côtés de la mode, et est instable comme elle. Mais ce qui existait déjà au temps de Carême [le cuisinier de Talleyrand], qui existe encore de nos jours, et qui existera aussi longtemps que la cuisine elle-même, c’est le fonds de cette cuisine ; car si elle se simplifie extérieurement, elle ne perd pas sa valeur, au contraire. Et les goûts s’affinant sans cesse, elle-même s’affine perpétuellement pour les satisfaire. […] elle deviendra même plus scientifique et plus précise. » (Citation attribuée à Auguste Escoffier).
  • 36
    « Ne pas oublier qu’un bon repas doit être un beau repas et qu’un beau repas doit être un bon repas. / Dans l’art de la cuisine, le beau c’est le bon. / En conséquence, pas de préparation alambiquée, sophistiquée, fardée, maquillée. La vérité, rien que la vérité. / La cuisine doit être vraie parce qu’elle est l’expression d’une éthique issue des profondeurs de notre civilisation. C’est un humanisme, un art de vivre, une pratique qui, autour d’une bonne table, permet d’améliorer et de conserver les rapports humains. La cuisine est un ensemble, un tout, une entité. N’oublions pas d’autre part que toute préparation destinée à nourrir l’être humain peut être et doit être de la cuisine. / La cuisine, expression artistique impliquant une relation entre la pensée, inspiratrice, et l’exécution de cette pensée, peut revendiquer à juste titre, me semble-t-il, sa place aux côtés des arts majeurs ses frères, la musique et la peinture : si le peintre dispose de sept couleurs, le musicien de sept sons, le cuisinier a en effet à son service sept saveurs, ce qui ne veut pas dire que l’art de la cuisine réside uniquement dans la confection de plats dispendieux employant à profusion truffe, foie gras, homard, etc. / En effet, une simple purée de pommes de terre faite comme on doit la faire peut être et doit être de la vraie cuisine. » (André GUILLOT, « Préface », dans Marie-Claude BISSON, La bonne cuisine française, 1979, Paris, éd. France Loisirs / Solar, pp. 10-11).
  • 37
    André GUILLOT, « Préface », Marie-Claude BISSON, La bonne cuisine française, 1979, Paris, éd. France Loisirs / Solar, p. 10.
  • 38
    « Restaurant Japonais le Kobe. Du Sukiyaki au teppanyaki en passant par le sashimi et le sabu sabu, tout saute, tourbillonne, voltige sous vos yeux pour finir par atterrir miraculeusement dans votre assiette. » (Louis de Funès (jouant Charles Duchemin, un critique gastronomique), dans L’aile ou la cuisse, film, 1976, France, réal. Claude Zidi, prod. Les Films Christian Fechner).
  • 39
    « Le premier devoir d’un diplomate, après un Congrès, est de soigner son foie. » (TALLEYRAND, La confession de Talleyrand. 1754-1838, 1891, Paris, éd. Sauvaitre, p. 194).
  • 40
    René GOSCINNY & Albert UDERZO, Le bouclier arverne, 1968, Neuilly-sur-Seine, éd. Dargaud, coll. Une aventure d’Astérix le Gaulois, planche 9.
  • 41
    « Certains jeunes gens ne savent pas assez que le mélange des vins, même pris en quantité relativement minime, a de graves inconvénients et amène l’étourdissement, sinon l’ivresse, aussi bien que l’excès. » (M. SALVA, Le savoir-vivre pour les jeunes gens, 1898, Paris, éd. Bloud & Barral, p. 58).
  • 42
    « Notez, je vous prie — je m’adresse aux lectrices qui déjeunent chez elles — que le café médiocre coûte presque aussi cher que le bon café. Vous achèterez donc du café peu torréfié, à petits grains, couleur de cigare et non pas tête de nègre. » (COLETTE, « J’aime être gourmande », Marie-Claire [revue], 27 janv. 1939, n° 100, pp. 36-37 & 51, spéc. p. 37).
  • 43
    « N’interposez jamais moins de quatre jours, ni plus de quinze entre le jour de l’invitation et celui du repas. » (G.-P. PHILOMNESTE, Le Livre des Singularités, 1841, Lyon, éd. Lagier, p. 161).
  • 44
    « La gourmandise, le péché des moines vertueux, lui tendit les bras ; il s’y précipita comme il s’était précipité dans l’adoration des œuvres d’art et dans son culte pour la musique. » (Honoré DE BALZAC, Le Cousin Pons, Tome 1, 1847, Bruxelles, éd. Lebègue & Sacré, p. 22).
  • 45
    « Avant de rompre votre radeau de pain recuit, jetez-y une poussière de sel. Le sel mordant le sucre, le sucre très légèrement salé, encore un grand principe que négligent nombre d’entremets, et pâtisserie parisienne, qui s’affadit faute d’une pincée de sel. » (COLETTE, « J’aime être gourmande », Marie-Claire [revue], 27 janv. 1939, n° 100, pp. 36-37 & 51, spéc. p. 37).
  • 46
    Julie et Julia, film, 2009, États-Unis, réal. Nora Ephron, prod. Easy There Tiger & Scott Rudin.
  • 47
    Le Diable s’habille en Prada, film, 2006, réal. David Frankel, prod. Fox 2000 Pictures, Wendy Finerman & Dune Entertainment.
  • 48
    Out of Africa, film, 1985, États-Unis, réal. Sydney Pollack, prod. Mirage Enterprises.
  • 49
    La Dame de fer, film, 2011, Royaume-Uni & France, réal. Phyllida Lloyd, prod. Film4, Pathé, UK Film Council, Goldcrest Films International.
  • 50
    « La qualité la plus indispensable du cuisinier est l’exactitude : elle doit être aussi celle du convié. » (BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, Tome 1, 1824, Paris, éd. Sautelet, p. xij, Aphorisme n° 16).
  • 51
    « La gourmandise est un acte de notre jugement, par lequel nous accordons la préférence aux choses qui sont agréables au goût sur celles qui n’ont pas cette qualité. » (BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, Tome 1, 1824, Paris, éd. Sautelet, pp. viij-ix, Aphorisme n° 6).
  • 52
    BRILLAT-SAVARIN, Physiologie du goût, Tome 1, 1824, Paris, éd. Sautelet, pp. ix-x, Aphorisme n° 8.
  • 53
    « La table est le pivot autour duquel tourne la civilisation. » (TALLEYRAND, La confession de Talleyrand. 1754-1838, 1891, Paris, éd. Sauvaitre, p. 211).
  • 54
    « Le savoir culinaire exige des siècles de dégustation et de recettes transmises oralement de mère en fille par la langue, siège de la parole et du goût. » (Odon VALLET, Petite grammaire de l’érotisme divin, 1998, Paris, éd. Albin Michel [2005], coll. Espaces libres, p. 8).
  • 55
    « L’Art Culinaire, pour la forme de ses manifestations, dépend de l’état psychologique de la société ; il suit nécessairement et sans pouvoir s’y soustraire les impulsions qu’il reçoit de celle-ci. Là où la vie aisée et facile n’est troublée par aucune préoccupation, où l’avenir est assuré et à l’abri des chances de la fortune, l’Art Culinaire prend toujours un développement considérable, parce qu’il contribue à l’un des plus agréables parmi les plaisirs qu’ils soient donnés à l’homme de goûter. » (Citation attribuée à Auguste Escoffier).
  • 56
    « Les préceptes à respecter sont aussi rigoureux que nombreux. C’est que le comportement à table est la pierre de touche du savoir-vivre. » (Edmonde CHARLES-ROUX, Guide du savoir-vivre, 1965, Paris, éd. Grasset, Repas, p. 168).
  • 57
    Michel BRÉAL & Anatole BAILLY, Dictionnaire étymologique latin, 1885, Paris, éd. Hachette, Vivo, 1, p. 444.