1. Au commencement, il n’y eut presque rien, pas même une étincelle ; il n’y eut qu’un coup d’épingle. On pratiqua une toute petite ouverture sur une paroi et on y insuffla les éléments nécessaires à la vie, faisant gonfler, enfler et s’étendre cette bulle qui allait devenir le cosmos. Tout vient de là, d’un ailleurs inaccessible.
2. Arrachée au néant, puis soutenue par l’énergie, la matière se propagea et ouvrit sur elle l’espace et le temps qui prospérèrent et prirent leurs aises. L’Univers se déplia et se dilata selon ses propres lois, dans ce qui n’était rien, dans ce qui n’était pas encore. Venaient de survenir le possible dans l’improbable, le déploiement du hasard dans un cadre ajusté, l’agitation de corpuscules dans le vide inhabité.
3. Progressivement, le chaos originel s’ordonna. Entre calcul et aléa, les matériaux voyagèrent, trouvèrent leur place et s’assemblèrent en ce qu’ils devaient constituer : des particules, des atomes, des grains de sable. Peu à peu, les éléments se formèrent, se détachèrent, ils adoptèrent une trajectoire et la scène prit corps. Pour que la pièce de théâtre commence, on fit éclore les personnages et, après une longue phase d’incubation, on les porta à maturité. Voilà comment, en deux temps trois mouvements, on créa les conditions de la vie sur Terre.
Giovanni DI PAOLO, La Création du monde, et Adam et Ève chassés du paradis terrestre (détail), 1445, Metropolitan Museum of Art (MET), New York.
Dieu l’architecte de l’univers, frontispice d’une bible moralisée, enluminure, Codex Vindobonensis 2554, f.1 verso, vers 1220-1230, Bibliothèque nationale autrichienne, Vienne.
William BLAKE, L’Ancien des Jours, 1794, British Museum, Londres.