Comment redessiner son interface de vie

1. Inspiration du concept. L’interface de vie est évidemment une abstraction. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut toucher. Ça n’est même pas un concept défini et identifié. C’est un ensemble de choses, vagues et informes, regroupées sous une même enseigne.

L’interface de vie lorgne évidemment du côté de l’informatique et du numérique, tout en renvoyant à l’art de vivre. D’ailleurs, si le terme « interface » est devenu courant, c’est bien parce que les ordinateurs et les robots ont pris une place essentielle dans notre quotidien.

2. Concept d’interface. Tout le monde a déjà fait l’expérience d’une interface dite « utilisateur ». Il suffit, pour cela, de faire usage d’un téléphone portable, voire d’une simple machine à laver. Il n’est même pas nécessaire qu’un peu d’électronique se trouve dans la machine : l’interface existait déjà avant1Par exemple, les pédales d’une voiture ou le volant font l’interface entre la mécanique et le conducteur..

L’interface n’est jamais que ce qui permet l’interaction entre l’être humain et la machine : un dispositif interactif, un panneau de configuration ou un tableau de contrôle, autant de choses qui rappellent les diverses fonctions de l’interface (utiliser, paramétrer ou programmer l’appareil).

3. Utilité de l’interface. Une interface sert nécessairement à quelque chose, sans quoi elle n’aurait pas été conçue. Elle a toujours un objectif ; elle est créée pour remplir un besoin spécifique. Cet usage, cet objectif, ce besoin consistent à faire la jonction entre deux choses, à assurer l’interaction entre deux domaines.

Votre interface de vie désigne ainsi ce qui fait le lien entre vous et votre existence quotidienne. C’est elle qui vous permet d’organiser votre temps, d’évoluer dans votre espace, d’en personnaliser l’esthétique, bref d’inventer votre propre nage dans les eaux de votre bocal.

4. Application du concept. Les ordinateurs n’ont (presque) rien inventé. Ils ont repris des inventions et les ont combinées : la calculatrice, l’écran de télévision, le clavier et la machine à écrire, l’imprimerie et la typographie, le dessin industriel, les miniatures et pictogrammes2Devenus icônes, smileys puis émojis., aujourd’hui les enregistrements sonores et vidéo.

Dans un mouvement inverse, on pourrait tout aussi bien appliquer les concepts de pop-up, de logiciel, de système d’exploitation, de cloud ou de fond d’écran à la vie quotidienne. Ils révéleraient notre géométrie intérieure et, dès lors, permettraient de repenser notre quotidien, autrement dit de redessiner notre interface de vie.

5. L’interface de vie. Concrètement, notre vie est faite d’une telle multitude de choses, de sensations, d’interactions, qu’il n’est pas question de toutes les recenser.

On ne peut pas décrire la vie quotidienne au pixel près. Mais on peut la modifier et l’améliorer — la hacker3De l’anglais to hack (into) (couper, pénétrer illicitement dans, rentrer par effraction dans, pirater), le hacker étant celui « qui, par jeu, goût du défi ou souci de notoriété, cherche à contourner les protections d’un logiciel, à s’introduire frauduleusement dans un système ou un réseau informatique. » (LAROUSSE, Dictionnaire en ligne, Hacker)., dirait-on aujourd’hui — en interrogeant quelques thématiques : le temps, les autres, les objets, les actions ou encore les lieux.

Redessiner son interface de vie demande une vraie réflexion, qu’on peut mener en suivant trois étapes simples : économiser son temps (1), simplifier sa vie (2), repenser son décor (3).

Interface de vie

1. (Interface) Point de contact, surface intermédiaire, zone tampon, champ d’interaction entre deux domaines, deux espaces, deux systèmes.

2. Représentation abstraite des interactions quotidiennes que chaque personne entretient avec son monde (son bocal), entendu comme son environnement (territoires, objets, activités) et son entourage (joueurs et personnages).

L’interface de vie englobe notamment l’accès aux informations, l’échange de ces informations avec les autres joueurs ou personnages, les contacts qu’elle a avec eux.

1. Compter son temps

6. L’économie d’une ressource. Après la santé, le temps est la ressource la plus importante de l’existence, devant l’argent. L’emploi de son temps — savoir contre quoi on « échange » ses journées et ses heures4Le travail salarié, des trajets (en voiture ou transport en commun), une visite à un aïeul, un loisir, etc. — reste la question la plus déterminante du mode de vie (à nouveau devant l’argent).

Or laisser filer le temps est indolore, bien plus que laisser filer son argent en tout cas. Il faudrait savoir se montrer aussi parcimonieux de son temps que de son argent5« Il faut être plus avare de son temps que de son argent ; cependant on prodigue cet inestimable trésor si pitoyablement. » (Christine de Suède, Maximes et pensées, 1682).. Car, face à soi, on reste toujours comptable du temps gagné et du temps perdu, du temps bien employé et du temps qu’on a gaspillé.

7. La fuite du temps. Marcel PROUST l’a appris à ses dépens6« On peut quelquefois retrouver un être, mais non abolir le temps. » (Marcel PROUST, Sodome et Gomorrhe, Tome II, 1924, Paris, éd. Gallimard, p. 29). : la recherche du temps perdu7À la recherche du temps perdu est le titre donné à son œuvre littéraire écrite entre 1906 et 1922. est une quête vaine. On ne revient pas en arrière, on ne corrige jamais ses erreurs ; on ne fait qu’ajouter de nouvelles choses, de nouvelles habitudes, de nouvelles personnes à son existence.

Sa vie, on ne la refait pas, on la continue ; si bien que les fariboles et les futilités, le doute et l’indécision ont un coût, un coût d’autant plus élevé qu’on vieillit, un coût qui finit — avec le temps8Cf. la chanson Avec le temps de Léo FERRÉ (1969). — par devenir exorbitant.

C’est une question qu’il faudrait savoir se poser jeune : à quoi vais-je employer mon temps ? que ferai-je de ma vie ? qu’est-ce qu’il m’importe le plus d’exprimer ou d’achever9Cf. l’identification de son ikigaï (sa raison de vivre). ?

« Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant :
Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle. […]
Vous serez au foyer une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie. »10Pierre DE RONSARD, Quand vous serez bien vieille, Sonnets pour Hélène, 1578.

8. La question des priorités. Avoir ou ne pas avoir le temps n’est pas la question. La seule question qui vaille est celle de vos priorités. Si vous avez toujours le temps pour vos enfants, c’est qu’ils sont votre priorité. Si vous consacrez tous vos loisirs à une passion unique, quelle qu’elle soit, c’est qu’elle est une priorité.

Donner la priorité à une personne (ou à une activité), c’est lui donner plus d’importance qu’à d’autres. C’est la préférer, la faire primer. Pratiquement, il n’est donc pas possible d’avoir plus de quelques priorités en même temps. Déterminez les vôtres, organisez votre emploi du temps en fonction d’elles et ne vous lancez dans un nouveau projet que si vous êtes prêt à en faire, d’une manière ou d’une autre, une vraie priorité.

9. Le gain de temps. Épargner son temps, ce n’est pas le garder — comme son argent — pour après. Le temps filant, c’est en l’employant à bon escient que vous l’économiserez. Épargner son temps, c’est d’abord et avant tout le consacrer à des choses utiles, soit à la satisfaction de ses besoins, soit à l’accomplissement de ses priorités.

Mais cela ne suffit pas : encore faut-il savoir s’organiser pour limiter les pertes de temps. Vous pouvez ranger dans ce paragraphe toutes les méthodes de « productivité », les outils de gestion du temps et autres recettes miracles : la technique Pomodoro, la méthode GTD (Getting things done), la loi de PARETO (les 80/20), etc.

10. L’alternance des phases. Malgré tout, gagner du temps ne suffira pas — d’autant que l’économie du temps n’est pas une fin en soi ; elle reste un moyen, mise au service de priorités. Par ailleurs, une heure de temps n’est pas nécessairement équivalente à une autre heure. Tout dépend de votre état d’esprit, de vos rythmes biologiques — donc de votre état de fatigue — et de vos contraintes horaires.

Une bonne gestion du temps implique d’être constamment à l’écoute des besoins de son corps et d’alterner entre activité et repos, entre travail et divertissement. Vous ne serez bon à rien si vous êtes épuisé, si vous ne prenez pas le temps de souffler, si vous ne vous accordez pas des moments de répit.

2. Simplifier sa vie

11. Le choix d’une direction. L’ensemble des activités auxquelles vous vous adonnez concourt à la satisfaction de vos besoins et à la réalisation de vos objectifs. Si les besoins varient peu entre les membres d’une même société, les objectifs de vie sont déjà plus caractéristiques de votre personnalité.

Sans me lancer dans une tirade sur le bonheur, je mentionnerai cette évidence que l’épanouissement nécessite d’agir en conformité avec ce que vous êtes.

Dans la société moderne, cette perspective revient à savoir ce que l’on veut. Le sens donné à sa vie sera souvent formalisé en une stratégie globale, elle-même déclinée en objectifs SMART11Ce sont des objectifs spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et temporellement définis., qu’on prendra la peine de mettre en œuvre par l’accomplissement des occupations nécessaires à leur réalisation. Vision productiviste de l’existence…

12. L’emploi du temps. La clef de cette déclinaison successive — sens, stratégie, objectifs puis activités — repose évidemment sur l’organisation quotidienne. L’écoulement du temps est une problématique transversale, qui préside au choix de ses activités et à leur mise à exécution.

L’écriture d’un livre, la fondation d’une famille et l’éducation des enfants, le façonnage d’une carrière et d’une réputation, la maîtrise d’un art ou d’un sport, la création d’un réseau ou d’un écosystème sont autant de choses qui ne s’acquièrent qu’avec le temps, plus exactement par un emploi judicieux, rationnel de ses journées.

Cet usage raisonné du temps ferait écho — si je ne craignais les expressions artificielles — à la personnalisation de l’interface temporelle.

13. L’interface temporelle. L’existence de chaque individu s’inscrit dans le passage du temps, la succession des saisons, la répétition de cycles. L’interface temporelle est faite des horaires, des habitudes et des routines qui scandent les semaines, les mois, les années.

Il est certain que notre mode de vie forge nos manies et nos journées12Globalement, nous dormons, mangeons, travaillons et nous divertissons à peu près en même temps.. Mais il est toujours possible de personnaliser son emploi du temps et son interface temporelle en les organisant autour de ses propres priorités et habitudes.

Car l’interface temporelle n’intègre pas seulement les plages horaires — l’affectation d’une activité à un créneau13Faire du sport entre 18h15 et 19h45 : se rendre à la salle ou au parc, faire sa séance, rentrer et prendre sa douche, ou l’inverse. — mais également la manière — rituel, méthode, routine — dont l’activité est effectuée pendant ce temps imparti14Tout le monde ne fait pas une même chose de la même façon ni dans le même ordre..

14. Une partie de Tetris. Un bon emploi du temps doit être composé. Comme dans un jeu de construction, vous pouvez placer vos briques sans subir la dictature d’une grille préexistante. Partez d’une page blanche. Représentez-y sept journées de 24 heures. Notez-y vos horaires de travail, puis vos (strictes) obligations de famille et votre temps de sommeil.

La page est probablement déjà bien remplie… Mais il reste du blanc. Ces plages horaires sont votre marge de manœuvre. Gardez quelques moments pour la rêverie, pour les promenades, pour vous. Puis, transformez vos pauses déjeuner en sorties culturelles, vos trajets en séances de vélo, vos loisirs en cours de langue15Par exemple, en regardant des séries télévisées en version originale..

Bien sûr, vous pouvez décaler vos heures de sommeil16Vous coucher et vous lever plus tôt (cf. le miracle morning). pour méditer au calme, pratiquer la sophrologie, courir au petit matin.

15. Un tissu d’habitudes. Toute la vie est affaire d’habitudes ; d’habitudes qui sont les tendances, les facilités, les dispositions que l’on acquiert au fil du temps par la répétition des mêmes actes17Cf. LITTRÉ, Dictionnaire en ligne, Habitude, 2. ; d’habitudes qui ne sont rien d’autres que des penchants, des coutumes, presque des tics ; d’habitudes qui évitent d’avoir à réfléchir, à se poser des questions, à faire des choix.

De l’habitude, découle le confort — rien n’est plus voluptueux que les habitudes — un confort parfois périlleux. Car les (mauvaises) habitudes nous façonnent jour après jour pour finir par nous faire devenir ce que nous n’aurions jamais cru être18Pensez à la paresse, à la malbouffe, à la sédentarité, à l’hyperconnexion….

Il est bien dommage d’avoir vécu une vie entière en n’ayant jamais changé ses habitudes. Au contraire, travailler sur ses habitudes, les évaluer pour se défaire des mauvaises, en instaurer de nouvelles (et des bonnes), tout cela transforme inévitablement le quotidien. Et soi.

16. Fluidifier le quotidien. Il y a donc des activités à privilégier et d’autres à tenir hors de portée. Les comportements vertueux — les activités nécessaires à la réussite de vos objectifs — doivent devenir des habitudes, (assez) faciles à adopter et surtout à ancrer. Il faut rendre les choses positives commodes et les choses négatives malaisées.

Pour cela, le plus efficace est encore de reparamétrer votre interface de vie. Misez sur le minimalisme, utilisez votre sensibilité à la gratification, fluidifiez votre quotidien. Raisonnez en termes de blocs, de kits, de modules19Délimitez mentalement et physiquement vos projets, grâce à des plages horaires, des supports (ordinateur, fauteuil), des emplacements (coin gym, coin bureau).. Rangez les objets complémentaires ensemble, à l’endroit le plus évident. Faites du tri, dans votre ordinateur ou parmi vos amis.

Ayez un bureau attrayant et rangé. Limitez les sources de distraction. Programmez intelligemment vos journées. Supprimez ou simplifiez des étapes vers les activités prioritaires (travail, lecture, sport, bénévolat). Rapprochez-vous de ce que vous êtes.

3. Aménager son décor

17. Redessiner son interface. Pourquoi redessiner son interface de vie ? Pour vivre différemment. Mais encore ? Pour mieux satisfaire ses besoins, pour marcher vers la réalisation de ses objectifs, pour se concentrer sur l’essentiel, également pour enrayer tous les comportements nocifs, tenir à distance les gens toxiques, dissiper les pensées négatives.

On est toujours le produit de son mode de vie, la somme, l’agrégat, le mélange des idées, des personnes et des situations auxquelles on est confronté. Selon l’existence que l’on mène, on devient petit à petit bougon, maussade, chagrin… ou épanoui, lumineux, radieux. Certaines interfaces de vie mettent de l’huile dans les rouages ; d’autres les grippent. Demandez-vous ce qui vous fait du bien, et ce qui vous plombe.

18. Affûter ses outils. On redessine son interface de vie en partant de ses priorités, puis en portant attention à trois types de choses : ses outils, son territoire, son entourage. Les outils au sens large sont tous les objets, accessoires, équipements : l’ordinateur, le téléphone, la tablette, mais également les vêtements, les bijoux, la voiture ou le scooter, les clefs, les porte-bonheur. C’est votre panoplie, toutes les choses qui vous rassurent, font vos repères et sans lesquels vous vous sentez nu.

L’abondance et le trop-plein sont des maux contemporains qui bouffent l’énergie et saturent l’attention. Faites le tour des objets qui vous entourent et voyez déjà ce qui est en trop, en double, ce qui est cassé, inutilisable, sans intérêt. Pensez ensuite en termes de fonctions : les objets servent toujours à quelque chose. Soit ils vous aident à exercer vos activités20Et ils se rapportent donc à un « kit » ou à un module., soit ils vous servent au « suivi » de vos activités21Tout ce qui vous permet de vous organiser : agenda, carnet ou applis pourvus de voyants, de clignotants, d’indicateurs de suivi, de balises…, soit ils sont purement décoratifs ou sentimentaux.

Si un objet ne rentre dans aucune catégorie ou s’il se rapporte à des souvenirs négatifs, rangez-le, vendez-le, mettez-le hors de votre vue. Parallèlement, entourez-vous de belles choses22Achetez moins souvent, mais des choses de qualité, qui ont une âme, qui représentent un vrai savoir-faire, des choses artisanales., de belles images23Les tableaux ou reproductions accrochés aux murs, mais également les fonds (et économiseurs) d’écran, les icônes de vos dossiers, vos interfaces graphiques., de belles musiques24Faites-vous des listes de lecture avec des morceaux qui vous inspirent, familiarisez-vous avec la musique classique, changez vos sonneries.. Modifiez votre langage, employez des mots qui vous plaisent. Paramétrez vos équipements numériques pour qu’ils vous fichent la paix25Désactivez les notifications, bloquez les pop-up, protégez-vous de la pub, videz vos boîtes mail, désinscrivez-vous des newsletters qui vous agacent.. Investissez dans quelques services confortables et de qualité26Des abonnements sans pubs, une carte de cinéma, une licence dans un club (boxe, golf, volley), des magazines papier.. Prenez le temps de vous y consacrer ou abandonnez-les.

19. Investir son territoire. Tous les lieux qui, d’une manière ou d’une autre, vous sont affectés représentent votre territoire. C’est votre maison, votre appartement ou votre chambre, également votre voiture27Voire votre place de transport en commun. et votre lieu de travail28Le bureau qu’on vous a donné, le camion qui vous sert à faire vos tournées, le champ que vous semez, un espace de co-working, votre boutique, etc., éventuellement d’autres endroits que vous vous êtes appropriés29Sentier en forêt, parcours de footing, coin à champignons, aire de pique-nique, etc.. Vous n’avez pas besoin d’être juridiquement propriétaire d’un lieu pour sentir instinctivement qu’il fait partie de votre décor, de votre territoire, de votre vie.

Comme pour vos outils, choisissez soigneusement les lieux que vous fréquentez30Restaurants, bistrots, musées, boutiques, etc.. Arrêtez d’aller dans des endroits où vous ne vous sentez pas bien. C’est animal, presque impalpable, mais il y a des lieux qui ressourcent et d’autres qui épuisent. Suivez votre instinct. Puis aménagez les espaces qui dépendent de vous31Agencez votre intérieur, appropriez-vous votre lieu de travail (délimitez votre espace et personnalisez-le), bichonnez votre voiture (lavez-la, rangez-la, prenez-en soin).. Et portez une grande attention à vos trajets (distance, temps nécessaire, moyen de transport). Pouvez-vous les diminuer, les améliorer32Faire du covoiturage avec de bons collègues pour discuter avec eux., en faire quelque chose33Lire sur le trajet (en transport en commun), écouter des phrases en langue étrangère, travailler quelque chose de particulier. ?

20. Assainir son entourage. Vous vivez probablement, comme l’immense majorité de vos congénères, entouré d’autres humains. Or ce sont eux, au quotidien, qui font (ou défont) votre qualité de vie. Ils vous influencent, vous empoisonnent, vous enrichissent. Même quand vous êtes seul, vous pensez aux autres. Regarder la télé, écouter la radio, lire des articles, c’est encore s’abreuver à la parole, bonne ou mauvaise, d’autres gens. Votre monde intérieur est tissé d’autres personnages, morts ou vivants.

Comme part essentielle de l’existence, les interactions et fréquentations doivent donc être personnalisées. Posez des limites avec les autres. Ne les laissez pas vous prendre votre temps ni vous pomper votre énergie indûment. Clarifiez vos rapports avec eux. Gardez les gens simples et authentiques. Apprenez à dire non.

Vous même, devenez plus simple. Ne maintenez plus de liens artificiels ou datés. Fréquentez des gens bienveillants ou inspirants34Même s’ils ne sont pas de votre milieu ou que vous ne pourrez pas vous enorgueillir publiquement de leur amitié.. Au boulot, faites-vous dispenser des réunions dès que vous pouvez et, autant que possible, allez droit au but dans les conversations. Ne comptez pas, ne comptez jamais sur les autres pour vous apporter sérénité ou bonheur. Les autres sont comme vous : égoïstes. Ils pensent à eux. Pensez à vous.

Conclusion : l’interface idéale

21. Le reflet d’un monde. L’interface de vie est généralement héritée de l’éducation, des habitudes familiales, des évidences transmises. Elle porte en elle nos peurs et nos limites. C’est la face visible de notre quotidien, la partie émergée d’un iceberg : notre arrière-boutique, notre monde caché, notre vie intérieure.

Elle est tout autant façonnée par la société de consommation, c’est-à-dire par les intérêts des industriels et des multinationales. Avec l’âge, on en revient. On va moins souvent dans les fast-food, on traîne moins sur les réseaux, on devient (enfin) la vraie priorité de sa vie. Arrive un moment où l’on réalise qu’on a fait beaucoup de choses pour plaire aux autres, pour être à la mode, pour se rassurer. Et que ce n’est plus ce dont on a besoin pour être bien.

« Ne confondez pas la marche du commerce avec le progrès et la civilisation. »35Citation attribuée à Henry David THOREAU.

22. L’importance d’une bonne interface. Mais ayant dit tout ça, je n’ai pas dit grand chose de votre interface de vie à vous. C’est que votre interface idéale est précisément la vôtre, celle que vous vous penserez sur-mesure. Elle n’existe dans aucun livre ni notice. C’est donc à vous de vous y coller, d’être l’éditeur de votre vie. Ça n’est pas si évident, mais pas infaisable non plus puisque vous vous en êtes déjà bricolée une première, celle qui vous a mené jusqu’à aujourd’hui.

Une interface mal conçue peut avoir des effets contreproductifs. Elle entraîne des frictions, des frustrations, des gaspillages, de la fatigue, de l’agacement. Au contraire, une interface qui utilise les outils comme des outils (et non des grigris), qui valorise les vrais amis (et non les fâcheux), qui se met au service de la qualité de vie (et non l’inverse) est une interface qui rend plus détendu, plus proche de l’essentiel, plus intelligent.

23. La métaphore informatique. Il reste difficile de porter un regard détaché sur sa vie. On peut lister des thèmes, des questions, des points de vigilance. Mais ce qu’il faut, c’est un changement de fond en comble, une refonte complète de son interface de vie, un remodelage qui sera cohérent. Pour y arriver, ne faites rien. Arrêtez-vous. Et regardez.

Regardez-vous vivre, agir, penser, interagir, dépenser. Une interface gagne toujours à être fluide, bien faite, jolie, minimaliste, attrayante, tout sauf brouillonne et laborieuse… Si on ne change pas de vie comme on change de fond d’écran, la métaphore informatique n’est pas dépourvue d’intérêt.

On peut confronter, au concept d’existence, de nombreuses notions informatiques : le panneau de configuration, le flux d’actualité, l’optimisation du PC, la page d’accueil, l’affichage des couleurs, l’ergonomie, la navigation, l’autonomie, les communautés, les widgets, les applications ou logiciels, le système d’exploitation, le fond d’écran, les icônes et titres, la compatibilité des appareils, le temps de connexion ou de chargement, les sessions utilisateur ou administrateur, le disque dur externe…

Vous n’êtes ni geek ni magicien ? Sans doute. Mais vous êtes bel et bien l’utilisateur de votre interface de vie. Et, quoi que vous en pensiez, vous êtes aussi son (unique) concepteur.

Références

Illustrations

  • 1
    Par exemple, les pédales d’une voiture ou le volant font l’interface entre la mécanique et le conducteur.
  • 2
    Devenus icônes, smileys puis émojis.
  • 3
    De l’anglais to hack (into) (couper, pénétrer illicitement dans, rentrer par effraction dans, pirater), le hacker étant celui « qui, par jeu, goût du défi ou souci de notoriété, cherche à contourner les protections d’un logiciel, à s’introduire frauduleusement dans un système ou un réseau informatique. » (LAROUSSE, Dictionnaire en ligne, Hacker).
  • 4
    Le travail salarié, des trajets (en voiture ou transport en commun), une visite à un aïeul, un loisir, etc.
  • 5
    « Il faut être plus avare de son temps que de son argent ; cependant on prodigue cet inestimable trésor si pitoyablement. » (Christine de Suède, Maximes et pensées, 1682).
  • 6
    « On peut quelquefois retrouver un être, mais non abolir le temps. » (Marcel PROUST, Sodome et Gomorrhe, Tome II, 1924, Paris, éd. Gallimard, p. 29).
  • 7
    À la recherche du temps perdu est le titre donné à son œuvre littéraire écrite entre 1906 et 1922.
  • 8
    Cf. la chanson Avec le temps de Léo FERRÉ (1969).
  • 9
    Cf. l’identification de son ikigaï (sa raison de vivre).
  • 10
    Pierre DE RONSARD, Quand vous serez bien vieille, Sonnets pour Hélène, 1578.
  • 11
    Ce sont des objectifs spécifiques, mesurables, atteignables, réalistes et temporellement définis.
  • 12
    Globalement, nous dormons, mangeons, travaillons et nous divertissons à peu près en même temps.
  • 13
    Faire du sport entre 18h15 et 19h45 : se rendre à la salle ou au parc, faire sa séance, rentrer et prendre sa douche, ou l’inverse.
  • 14
    Tout le monde ne fait pas une même chose de la même façon ni dans le même ordre.
  • 15
    Par exemple, en regardant des séries télévisées en version originale.
  • 16
    Vous coucher et vous lever plus tôt (cf. le miracle morning).
  • 17
    Cf. LITTRÉ, Dictionnaire en ligne, Habitude, 2.
  • 18
    Pensez à la paresse, à la malbouffe, à la sédentarité, à l’hyperconnexion…
  • 19
    Délimitez mentalement et physiquement vos projets, grâce à des plages horaires, des supports (ordinateur, fauteuil), des emplacements (coin gym, coin bureau).
  • 20
    Et ils se rapportent donc à un « kit » ou à un module.
  • 21
    Tout ce qui vous permet de vous organiser : agenda, carnet ou applis pourvus de voyants, de clignotants, d’indicateurs de suivi, de balises…
  • 22
    Achetez moins souvent, mais des choses de qualité, qui ont une âme, qui représentent un vrai savoir-faire, des choses artisanales.
  • 23
    Les tableaux ou reproductions accrochés aux murs, mais également les fonds (et économiseurs) d’écran, les icônes de vos dossiers, vos interfaces graphiques.
  • 24
    Faites-vous des listes de lecture avec des morceaux qui vous inspirent, familiarisez-vous avec la musique classique, changez vos sonneries.
  • 25
    Désactivez les notifications, bloquez les pop-up, protégez-vous de la pub, videz vos boîtes mail, désinscrivez-vous des newsletters qui vous agacent.
  • 26
    Des abonnements sans pubs, une carte de cinéma, une licence dans un club (boxe, golf, volley), des magazines papier.
  • 27
    Voire votre place de transport en commun.
  • 28
    Le bureau qu’on vous a donné, le camion qui vous sert à faire vos tournées, le champ que vous semez, un espace de co-working, votre boutique, etc.
  • 29
    Sentier en forêt, parcours de footing, coin à champignons, aire de pique-nique, etc.
  • 30
    Restaurants, bistrots, musées, boutiques, etc.
  • 31
    Agencez votre intérieur, appropriez-vous votre lieu de travail (délimitez votre espace et personnalisez-le), bichonnez votre voiture (lavez-la, rangez-la, prenez-en soin).
  • 32
    Faire du covoiturage avec de bons collègues pour discuter avec eux.
  • 33
    Lire sur le trajet (en transport en commun), écouter des phrases en langue étrangère, travailler quelque chose de particulier.
  • 34
    Même s’ils ne sont pas de votre milieu ou que vous ne pourrez pas vous enorgueillir publiquement de leur amitié.
  • 35
    Citation attribuée à Henry David THOREAU.