— L’épreuve du feu
1. Le but à atteindre. Diriez-vous que votre entreprise, votre structure ou votre maison a atteint le niveau d’excellence auquel elle devrait prétendre ? A-t-elle déployé une identité forte, joint l’acte à la parole, réconcilié le court et le long terme ? Est-elle soutenue par une organisation qui, loin d’être une usine à gaz, soit véritablement au service de ses ambitions ? Son positionnement juste la prémunit-elle contre le risque de mauvaise presse (le fameux bad buzz) ? En un mot, apporte-t-elle un supplément d’âme à ses clients et à ses collaborateurs ?
2. Et vous-même ? Êtes-vous aussi bon dans votre domaine que vous pourriez l’être ? Avez-vous vraiment identifié ce que vous pouvez apporter au monde qui vous entoure ? Exploitez-vous tous vos talents et savoir-faire ? Votre savoir-être est-il à la hauteur de votre expertise ? Alignez-vous vos paroles sur vos croyances et vos actes sur vos paroles ? Au fond, donnez-vous la pleine mesure de ce que vous êtes ?
3. La force d’un système. Décliner les méthodes de l’ingénierie juridique aux affaires, à la politique ou à la communication poursuit un but unique : vous permettre d’exister. Pas simplement survivre, pas uniquement être. Mais exister, dans une certaine plénitude et avec un certain succès, aujourd’hui et dans la durée. Figurer un jour au panthéon des entreprises ou des organisations, être au rang des personnalités qui comptent ne sont pas de si mauvais desseins.
4. L’astuce consiste à raisonner en réseau, en structure, en système. Un système est un ensemble d’éléments interdépendants, qui interagissent selon certains principes ou certaines règles, et poursuivent la réalisation d’objectifs propres. Ainsi une entreprise, une organisation et même un jeu, y compris un jeu social, sont-ils des systèmes. L’esprit de système, lui, s’entend de la « disposition à concevoir des vues d’ensemble »1LITTRÉ, Dictionnaire en ligne, V° Système, synonyme..
5. La dynamique d’une structure. On comprend alors que cette tournure d’esprit est idéale pour créer ou, mieux encore, pour optimiser les structures (et les projets). Une structure vaut moins par ses composantes que par les relations qui existent entre elles. Or l’organisation d’une entreprise, son écosystème — entendu comme le réseau de partenariats qu’elle noue — et même une stratégie commerciale ou une ligne de produits sont (ou devraient être) des systèmes qui animent des structures. La métaphore du jeu est donc tout à fait pertinente pour évoquer l’entreprise ou la politique. Si cette image vous parle, vous avez compris que le plus court chemin entre votre vie actuelle et votre place au panthéon passe par l’écriture de la règle du jeu.
— Un avant-goût du paradis
6. Viser l’excellence. Au paradis des organisations et des marques, il existe un grand recueil que chaque fondateur peut venir consulter à l’heure du jugement dernier : il y trouve l’histoire de son entreprise, ce qu’elle a été… et ce qu’elle aurait pu être, si elle s’était saisie de sa mission. Mais vous, vous avez les pieds sur Terre et le mode d’emploi de votre structure — la notice de déploiement de son plein potentiel — reste enfermé là-haut, dans un grimoire poussiéreux et impénétrable… Il y a bien une solution : écrire cette satanée règle du jeu ! Rédiger vos procédures, consigner vos savoir-faire, diffuser votre culture interne, révéler tous vos talents, créer de nouveaux usages, communiquer sur votre identité.
7. Donner du sens. Le mot « sens » est complexe et renferme, en français, de nombreux… sens, entendez par là de nombreuses significations. C’est une fonction physiologique (le sens de la vue), une perception aiguisée (le sens des affaires), une signification (le sens d’un mot), une raison d’être (le sens de la vie) et bien sûr une direction (un sens interdit). Donner du sens est donc une expression beaucoup plus féconde que l’usage actuel ne laisse à penser. L’expression « faire sens », incorrecte en français, n’est qu’un cache-misère importé de l’anglais « to make sens ». Or, on ne produit pas du sens par magie, au sens où on en ferait surgir de nulle part. On insuffle du sens à ce qui existe ou à ce qu’on crée.
8. De tous ces « sens », seuls les trois derniers (signification, raison d’être et direction) renvoient à l’expression « donner du sens ». Donner du sens à un projet, à un produit, à une entreprise ou à une carrière, c’est tout à la fois lui donner une signification, une raison d’être et une direction. Cette étape est essentielle et ne doit jamais être négligée2Cette analyse renvoie à l’approche de Simon SINEK qui propose de commencer par le pourquoi, pour reprendre le titre de son livre publié en 2015 aux éditions Performance. Le livre avait initialement paru en 2009 aux États-Unis.. Car, de ce qu’on en aura fait émerger, découleront une culture d’entreprise, une stratégie de communication, une politique de management ou un objectif de carrière. On voit donc que la question du sens — très en vogue actuellement mais qui semble relever de la philosophie plus que des affaires — trouve sa traduction concrète dans diverses fonctions de l’entreprise. Donner du sens permet d’entretenir une cohésion au sein des équipes, de faire adhérer le client à la marque, de convaincre des investisseurs ou des partenaires, de vendre des produits ou des prestations.
9. Clarifier. Montrer une direction, mettre des mots sur une signification, identifier une raison d’être sont trois manifestions de ce que l’étape 1 de l’intelligence décisionnelle propose : révéler l’âme de votre entreprise, de votre projet, de votre produit. C’est mettre le doigt sur votre identité en répondant à cette question simple en apparence : pourquoi existez-vous ? C’est un vrai travail à mener. Si vous êtes une organisation, réunissez une petite équipe à partir de volontaires piochés dans tous les services. Puis faites-les plancher sur ce sujet : « c’est quoi, (nom de votre structure ou projet) ? » Si cette démarche vous concerne personnellement, interrogez votre parcours et, au besoin, faites-vous accompagner.
10. Révéler l’âme de son projet ou de son entreprise est le meilleur moyen (et, à dire vrai, le seul vraiment efficace) pour apporter clarté et lisibilité à son activité. Elle vous servira désormais de boussole. Faites émerger vos valeurs et déclinez-les en méthodes de travail. Identifiez de nouveaux besoins et faites-en des produits novateurs. Forgez-vous un vrai ton et utilisez-le à travers toute votre communication. Bien sûr, cette approche s’applique avec autant de pertinence à la politique, que vous représentiez une idée, un parti ou un territoire. Savoir qui on est aide toujours à savoir ce qu’on peut faire et comment on va le faire, ce qu’on veut dire et comment on va le dire.
11. Connecter. Une fois trouvé votre boussole, vous pouvez faire la cartographie de toutes vos activités, de vos produits et de vos supports de communication. Vous verrez comment ils se positionnent les uns par rapport aux autres, s’il s’en dégage une harmonie, s’ils parlent tous d’une seule et même voix : la vôtre. C’est le moment de songer à de nouveaux partenaires qui vous permettront d’étoffer votre écosystème. En fait, donner du sens revient à connecter entre eux des idées, des évènements, des personnes, des produits. Comme dans ces dessins pour enfants qu’ils font apparaître en reliant des points numérotés. Sauf que, dans la réalité, il n’y a pas de numéros pour vous guider et que tous les points ne font pas partie du dessin. Relier les points conduit, dans ces conditions, à mener une quête de cohérence de votre activité, de votre structure, de votre parcours.
12. Éclairer. Qu’il s’agisse d’écrire un programme politique, d’accompagner une réorganisation ou de créer une école de formation interne, commencez par révéler le sens de vos actions (stratégie) puis déterminez-en les meilleures modalités d’exécution (organisation et communication). Mise en œuvre avec méthode, cette démarche créative — authentique et sur-mesure — est l’essence de l’intelligence décisionnelle. Apportant clarté, simplicité et fluidité, elle resitue toute prise de décision ou pilotage de projet complexe dans votre épopée personnelle ou celle de votre maison. C’est ainsi que, petit à petit, on écrit sa propre règle du jeu.
Illustrations
- Jean-François DE TROY, Le déjeuner d’huîtres, 1735, Musée Condé, Chantilly (Google Arts & Culture).
- Jean-François DE TROY, Le déjeuner de chasse, 1737, Musée du Louvre, Paris (analyse).
- 1LITTRÉ, Dictionnaire en ligne, V° Système, synonyme.
- 2Cette analyse renvoie à l’approche de Simon SINEK qui propose de commencer par le pourquoi, pour reprendre le titre de son livre publié en 2015 aux éditions Performance. Le livre avait initialement paru en 2009 aux États-Unis.