Le bon goût, une compétence d’interprétation

1. Un jugement. Qu’entend-on par goût, faculté de jugement esthétique dont le nom procède, à l’instar de l’acuité, de la sagacité, de la perspicacité et du flair, d’une perception proprement physique ?

Il n’échappe à personne, en effet, que le goût comme appréciation vient de la sensation gustative — il est d’ailleurs amusant que l’équivalent anglais taste provienne du latin tangere qui signifie toucher…

Si l’étude de la notion de bon goût est placée sous le signe de l’interprétation, c’est que cette faculté de jugement, ce type d’exercice de la raison n’exige pas le seul discernement mais quelque chose de plus — expression vague, ici employée à dessein.

2. Une lecture. Sur le plan étymologique, l’interprétation renvoie au rôle de l’intermédiaire, entremise qui s’étend à divers domaines (la traduction, l’exégèse, le théâtre, la musique). En matière de sens et de goût, l’interprétation relève plutôt de la double nécessité de déchiffrer (la révélation) et d’expliciter (l’énonciation).

Aussi le goût désigne-t-il, au-delà de l’évidente « perception des saveurs » et de la faculté de jugement déjà mentionnées, l’« attrait qui porte vers certaines choses », une « appréciation propre à chacun »1Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Goût, I ; II, 2 ; et II, 3., également la « manière dont une chose est faite, [le] caractère particulier de quelque ouvrage. »2Dictionnaire de l’Académie française, 1re éd., 1694, Goust.

3. Une simplicité. Le lecteur devine que l’autrice le conduit doucement mais sûrement vers l’examen de la subtilité, laquelle doit seconder la raison dans la pratique du jugement. Mais avant de s’attaquer à l’essence du bon goût, on préfèrera tenter d’en donner quelques variations et manifestations, tant l’opération de définition paraît difficile.

D’abord, le goût prescrit la simplicité et ce, très consciencieusement3« Avec une coiffure, une chaussure et des vêtements simples, mais de bon goût, et le tout frais et parfaitement fait, une femme peut se présenter partout. » (Louis VERARDI, Manuel du bon ton et de la politesse française, vers 1853, Paris, éd. Passard, p. 101). : l’opposé en est l’ostentation, caractéristique du mauvais goût tel que l’étalage des richesses dont les parvenus raffolent4« […] le bon goût réside dans l’amour de la simplicité, de l’harmonie, de la grâce, et […] rien ne lui est plus opposé que le clinquant d’une part et l’étalage de la richesse de l’autre. » (Mme la Comtesse DROHOJOWSKA, De la politesse et du bon ton ou Devoirs d’une femme chrétienne dans le monde, 2de éd., 1860, Paris, éd. Victor Sarlit, p. 17-18).. Le bon goût doit donc obéir au bon sens — la Baronne STAFFE est formelle5« Mais les gens de goût et de bon sens (l’un ne va pas sans l’autre) protestent […] » ; « […] le bon sens, — compagnon inséparable du bon goût […] » (Baronne STAFFE, Usages du monde. Règles du savoir-vivre dans la société moderne, nouvelle éd., 1899, Paris, éd. Flammarion, p. 93 et 97-98). — et, en toutes choses, se garder du ridicule de l’extravagance.

4. Une modération. Car c’est bien toutes les choses de l’existence que le goût prétend gouverner : les arts bien sûr, mais également la gastronomie et la mode, les attitudes et les pratiques6« Le goût tel que le conçoit Pierre Bourdieu est un « système de schèmes de perception et d’appréciation », qui se manifeste à travers ce qu’il nomme des goûts, c’est-à-dire des « pratiques » (sports, activités de loisir, activités culinaires, etc.) et des « propriétés » (meubles, vêtements, conjoint, produits alimentaires, etc.) qui constituent le « style de vie ». » (Jean-Vincent PFIRSCH, La saveur des sociétés. Sociologie des goûts alimentaires en France et en Allemagne, 1997, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. Le sens social, p. 36)., autrement dit l’ensemble des éléments qui constituent un art de vivre7« […] le goût entre en jeu non seulement pour les objets d’art, mais aussi pour la gamme entière des objets de consommation culturelle : cuisine, vêtements et décoration, bric‐à‐brac, comportements, conduite et actions, enfin, tout ce qui fait partie de ce qu’on appelle ‘mode de vie’. » (Erec R. KOCH, « La pratique du goût : de Pierre Bourdieu à Antoine de Courtin », Dix-septième siècle, 2013/1, n° 258, p. 45-54, spéc. p. 47)., lequel s’entend du cachet qu’on donne à sa vie quand on fait les choses avec goût. Et l’on a expliqué le goût par le goût…

Il est vrai qu’avoir du goût n’est pas à la portée de tout le monde — on y reviendra — et l’on gagne toujours à faire appel à des gens habiles quand on veut éviter les fautes de goût8« Tout le monde ne peut avoir du goût. Si l’on en manque, le mieux est de le reconnaître et de s’adresser à un tapissier habile. » (Mme L. de NOGENT, Catéchisme du bon ton et des usages du monde, 1886, Paris, éd. Fetscherin et Chuit, p. 30)..

L’expression, d’ailleurs, est des plus éloquentes : la faute n’est pas le simple manque (une carence, voire une erreur) mais un manquement caractérisé (un délit, presque un péché), qui donne le goût pour un devoir, c’est-à-dire une obligation morale, pour ainsi dire une vertu.

5. Une pratique. Qu’a-t-on dit positivement sur le goût pour le moment ? L’autrice a surtout insisté sur ce qu’il n’est pas (ni ostentation, ni ridicule, ni extravagance). Mais qu’est-il en son essence et en son contenu ?

S’il reste probablement indéfinissable9« Comme jeune homme et poète ardent, vous manquez souvent de goût : cette chose si fine, qu’elle est indéfinissable, que je ne pourrais jamais vous dire en quoi elle consiste, et que, sans elle, pourtant, il n’y a point d’art ni de vraie poésie. » (George SAND, Lettre à Charles Poncy, 24 août 1842, à Nohant, dans George SAND, Correspondance. 1812-1876, 4e éd., Tome II, 1883, Paris, éd. Calmann Lévy, p. 225).— parce qu’il provient du jugement plus que de l’entendement10« Le bon goût vient plus du jugement que de l’esprit. » (François DE LA ROCHEFOUCAULD, Réflexions ou sentences et maximes morales, 1664, Paris, éd. Didot [1815], p. 156, maxime n° 378)., il demeure assez rétif à l’« argumentation rationnelle » —, le bon goût se présente comme une « capacité à saisir spontanément l’hétérogène et le complexe. »11« La difficulté du bon goût, ou plutôt de sa nature, à s’expliciter et se dévoiler sous la forme d’une argumentation rationnelle ne provient pas d’une sorte d’impuissance intellectuelle, mais réside plutôt dans la force propre de celui-ci, à savoir sa capacité à saisir spontanément l’hétérogène et le complexe. » (Bjørn SCHIERMER, « La raison sensible et ses limites : le bon goût, le mauvais goût et le sans goût », Sociétés, 2012/4, n° 118, p. 117-127, spéc. p. 119).

Cependant, il n’est jamais purement abstrait, il se révèle dans mille situations concrètes ; c’est par conséquent une faculté de jugement en action, qui ne vaut que par l’application12« Le goût se révèle donc comme une pratique incarnée qui exige un espace social et physique pour sa performance : elle est jouée par le corps et s’y inscrit. On met en relief de cette façon non pas ce que sont le goût et le bon goût en tant qu’abstractions, mais plutôt comment ils sont mis en scène dans un endroit et un milieu spécifiques. » (Erec R. KOCH, « La pratique du goût », op. cit., p. 45)..

6. Une subjectivité. Ainsi, « […] celui qui a du goût peut immédiatement voir qu’il manque un contour bleu autour de la fleur rouge, que des coussins jaunes sur le divan complètent le décor ou que tel sac particulier « se combine bien » avec telle robe. »13Bjørn SCHIERMER, « La raison sensible et ses limites », op. cit., p. 119. Et le lecteur comprend que le bon goût « ne se laisse pas déceler par une « règle » [ni qu’il] ne peut se transposer en une méthode prête à l’emploi »14« Celui qui a du goût a l’œil précis pour l’inexplicable dans l’œuvre d’art réussie : ce qui ne se laisse pas déceler par une « règle » ou qui ne peut se transposer en une méthode prête à l’emploi, mais qui malgré tout est logique ou simplement « vrai ». » (Bjørn SCHIERMER, « La raison sensible et ses limites », op. cit., p. 119)..

De la spontanéité et de la complexité, semble découler la subjectivité : en un sens, le goût est propre à chacun15« Faculté toute spontanée, qui précède la réflexion, que tout le monde possède, mais qui est différente chez chacun, et qui fait apprécier les beautés et les défauts dans les ouvrages d’esprit et dans les productions des arts […] » (LITTRÉ, Dictionnaire en ligne, Goût, 6). ; il prolonge la personnalité du sujet, s’autorisant de l’authenticité (le mépris des lieux communs) comme de l’originalité (le refus de l’imitation)16« Au contraire du mauvais goût, le bon goût se déploie donc dans un moment de subjectivité authentique. Le bon goût est nécessairement propre au sujet qui l’éprouve et renvoie donc à la personnalité de l’individu. Ainsi, le bon goût nécessite de ne pas « juste » imiter et se contenter de suivre la mode. Pour être, il doit rester à l’écart des clichés et stéréotypes. » (SCHIERMER, « La raison sensible et ses limites », op. cit., p. 124).. C’est pourquoi le snobisme est l’inverse du vrai bon goût, lequel mobilise des sensations personnelles et non des « émotions d’emprunt »17« Le snobisme est une paresse de l’esprit qui nous fait accepter les valeurs toutes faites, qui nous suggère des goûts et même des émotions d’emprunt. » (Natalie Clifford Barney, Pensées d’une amazone, 1921, Paris, éd. Émile-Paul, p. 133)..

7. Une objectivité. Spontanéité, complexité, subjectivité, authenticité, originalité : le goût comme faculté de jugement esthétique ne serait-il qu’une émanation du beau et du vrai ? D’ailleurs, la beauté et la vérité ne sont-elles pas réputées immuables et absolues, c’est-à-dire objectives ? Et comment les gens de bon goût pourraient-ils s’entendre s’il n’en allait pas ainsi ?

Sans doute y a-t-il de l’objectivité dans l’exercice du goût, universalité perceptible dans le maniement de références communes18« Le bon goût s’épanouit toujours dans un espace social de préférences partagées […] » (Bjørn SCHIERMER, « La raison sensible et ses limites », op. cit. p. 124). ou l’attente de réactions convenues19« On atteint le statut de personne de bon goût en se comportant d’une certaine manière attendue, en exécutant des actes conventionnels et convenus. » (Erec R. KOCH, « La pratique du goût », op. cit., p. 45)..

8. Un indicateur. Alors, le goût devient un marqueur social — les aversions et les préférences témoignent de l’identité, elles dénotent le statut — plus qu’une inclination purement désintéressée.

En somme, le goût est une compétence sociale qui permet — dans certaines situations et dans certains milieux — d’adopter les bons comportements20« Dans La Distinction, l’une des intuitions clefs de Bourdieu découle du glissement qu’il fait subir au goût, d’une faculté de discernement (faculté qui, historiquement, a résisté à toute définition précise et qui se résume par le « je ne sais quoi ») à une disposition qui génère des actions et des réactions attendues par la société. » (Erec R. KOCH, « La pratique du goût », op. cit., p. 45)., d’avoir l’attitude et les manières des « gens de goût » : le vrai bon goût — ou celui qu’on juge tel — n’est finalement que le goût du beau tel que l’élite le définit21« Ce que je veux seulement, c’est vous persuader que le goût du riche n’est pas le goût du beau, et que le second seul doit être admis autour de vous, parce que seul il dénote une intelligence d’élite développée par une éducation parfaite… » (Mme la Comtesse DROHOJOWSKA, De la politesse et du bon ton ou Devoirs d’une femme chrétienne dans le monde, 2de éd., 1860, Paris, éd. Victor Sarlit, p. 18)..

Dès lors, légitimité culturelle et performance sociale viennent assombrir l’innocence présumée des jugements esthétiques : des enjeux d’appartenance et d’exclusion ne peuvent qu’affaiblir l’intégrité tant vantée du goût22« Il [le goût] n’est jamais purement désintéressé, mais à tout le moins sert-il à exprimer l’appartenance, ou bien, peut-être, l’aspiration, à une classe sociale. Aucun objet de consommation culturelle ne trahit plus efficacement le rang social du sujet, selon Bourdieu, que les objets d’art ; c’est-à-dire, la gamme socialement variable des objets ciblés par les jugements du goût. » (Erec R. KOCH, « La pratique du goût », op. cit., p. 47)..

9. Une éducation. Analysé en une compétence sociale, le goût relève moins de l’inné que de l’acquis : il s’acquiert par un long apprentissage, notamment par la fréquentation des œuvres et des choses de bon goût23« Ma grand-mère avait un esprit de discernement plus éclairé et d’une grande élévation naturelle. Elle voulait former mon goût et portait sa critique judicieuse sur tous les objets qui me frappaient. Elle me disait : « Voilà une figure mal dessinée, un assemblage de couleurs qui choque la vue, une composition, ou un langage, ou une musique, ou une toilette de mauvais goût. » Je ne pouvais comprendre cela qu’à la longue. » (George SAND, Histoire de ma vie, 1854-1855, Paris, éd. Victor Lecou, Tome neuvième, Partie III, chap. 1, p. 22-23)..

Ainsi y a-t-il une éducation au goût comme à toutes choses, une éducation proprement indispensable dans la « bonne » société — gracieuse compagnie qui juge des personnes sur leurs manières et opinions, plutôt que sur leur bonté et leur mérite…

Pourtant, le goût — le bon goût tel que prescrit par les gens du monde — ne saurait être purement arbitraire ni artificiel, sans quoi les choses de goût n’auraient aucun caractère commun.

10. Un raffinement. Or, les auteurs s’entendent sur certains qualificatifs : l’honnêteté, la pureté et la délicatesse24« S’il y a un côté triste, c’est de voir la grossièreté et la profonde corruption du goût. Je n’ai jamais pensé que ma pièce [de théâtre] fût belle ; mais je croirai toujours qu’elle est foncièrement honnête et que le sentiment en est pur et délicat. » (George SAND, Lettre à Luigi Calamatta, 1er mai 1840, à Paris, dans George SAND, Correspondance, op. cit., p. 153). qui suscitent l’élégance et le charme25« Le charme, l’humour chaleureux, le trait d’esprit, l’élégante extravagance et la politesse désinvolte exigent du goût. » (Bjørn SCHIERMER, « La raison sensible et ses limites », op. cit., p. 120)., en un mot le raffinement qui aspire à la perfection26« Le bon goust consiste à se former une idée des choses la plus parfaite qu’on peut, & à la suivre. » (Antoine FURETIÈRE, Dictionnaire universel, 1690, La Haye, éd. A. et R. Leers, Goust)..

Rien ne jure ni ne déborde, tout est savamment dosé, marié, équilibré. On a sélectionné27« Le goût, modalité de l’habitus, est une disposition et un principe génératifs de perceptions, de comportements et d’actions qui sont modelés socialement, pédagogiquement, et qui fondent les choix culturels : le goût fonctionne en tant que base de classement à la fois des objets et des sujets. Il n’est jamais purement désintéressé, mais à tout le moins sert-il à exprimer l’appartenance, ou bien, peut-être, l’aspiration, à une classe sociale. » (Erec R. KOCH, « La pratique du goût », op. cit., p. 47).— c’est-à-dire retenu mais aussi exclu28« Sur quelque préférence une estime se fonde, / Et c’est n’estimer rien qu’estimer tout le monde. » (MOLIÈRE, Le Misanthrope, 1666, Paris, Acte I, scène 1, vers 57-58). — de jolies couleurs et matières, on les a harmonieusement arrangées, disposées, associées et, par des subterfuges hermétiques aux néophytes, on a su donner vie à un assemblage de formes, de reflets et de nuances29« Je ne trouve pas de création plus jolie que ces combinaisons de métaux et de pierres précieuses qui peuvent réaliser les formes les plus riantes et les plus heureuses dans de si délicates proportions. J’aime à examiner les parures, les étoffes, les couleurs ; le goût me charme. Je voudrais être bijoutier ou costumier pour inventer toujours, et pour donner, par le miracle du goût, une sorte de vie à ces riches matières. » (George SAND, Histoire de ma vie, 1854-1855, Paris, éd. Victor Lecou, Tome neuvième, Partie III, chap. 2, p. 88)..

Rien ne vient heurter la sensibilité de l’assistance — le mauvais goût est toujours une « forme de violence »30« Dans le même sens, le mauvais goût est une forme de violence commise contre la spontanéité, l’ouverture d’esprit et la sensibilité qui caractérisent le bon goût. » (Bjørn SCHIERMER, « La raison sensible et ses limites », op. cit. p. 122).. Rien ne vient troubler la magie du moment.

Références

— Dictionnaires

  • Dictionnaire de l’Académie française, 1re éd., 1694, Goust.
  • Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Goût, I ; II, 2 ; et II, 3.
  • Antoine FURETIÈRE, Dictionnaire universel, 1690, La Haye, éd. A. et R. Leers, Goust.
  • LITTRÉ, Dictionnaire en ligne, Goût, 6.

— Savoir-vivre

— Travaux

— Miscellanées

Illustrations

  • 1
    Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Goût, I ; II, 2 ; et II, 3.
  • 2
    Dictionnaire de l’Académie française, 1re éd., 1694, Goust.
  • 3
    « Avec une coiffure, une chaussure et des vêtements simples, mais de bon goût, et le tout frais et parfaitement fait, une femme peut se présenter partout. » (Louis VERARDI, Manuel du bon ton et de la politesse française, vers 1853, Paris, éd. Passard, p. 101).
  • 4
    « […] le bon goût réside dans l’amour de la simplicité, de l’harmonie, de la grâce, et […] rien ne lui est plus opposé que le clinquant d’une part et l’étalage de la richesse de l’autre. » (Mme la Comtesse DROHOJOWSKA, De la politesse et du bon ton ou Devoirs d’une femme chrétienne dans le monde, 2de éd., 1860, Paris, éd. Victor Sarlit, p. 17-18).
  • 5
    « Mais les gens de goût et de bon sens (l’un ne va pas sans l’autre) protestent […] » ; « […] le bon sens, — compagnon inséparable du bon goût […] » (Baronne STAFFE, Usages du monde. Règles du savoir-vivre dans la société moderne, nouvelle éd., 1899, Paris, éd. Flammarion, p. 93 et 97-98).
  • 6
    « Le goût tel que le conçoit Pierre Bourdieu est un « système de schèmes de perception et d’appréciation », qui se manifeste à travers ce qu’il nomme des goûts, c’est-à-dire des « pratiques » (sports, activités de loisir, activités culinaires, etc.) et des « propriétés » (meubles, vêtements, conjoint, produits alimentaires, etc.) qui constituent le « style de vie ». » (Jean-Vincent PFIRSCH, La saveur des sociétés. Sociologie des goûts alimentaires en France et en Allemagne, 1997, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. Le sens social, p. 36).
  • 7
    « […] le goût entre en jeu non seulement pour les objets d’art, mais aussi pour la gamme entière des objets de consommation culturelle : cuisine, vêtements et décoration, bric‐à‐brac, comportements, conduite et actions, enfin, tout ce qui fait partie de ce qu’on appelle ‘mode de vie’. » (Erec R. KOCH, « La pratique du goût : de Pierre Bourdieu à Antoine de Courtin », Dix-septième siècle, 2013/1, n° 258, p. 45-54, spéc. p. 47).
  • 8
    « Tout le monde ne peut avoir du goût. Si l’on en manque, le mieux est de le reconnaître et de s’adresser à un tapissier habile. » (Mme L. de NOGENT, Catéchisme du bon ton et des usages du monde, 1886, Paris, éd. Fetscherin et Chuit, p. 30).
  • 9
    « Comme jeune homme et poète ardent, vous manquez souvent de goût : cette chose si fine, qu’elle est indéfinissable, que je ne pourrais jamais vous dire en quoi elle consiste, et que, sans elle, pourtant, il n’y a point d’art ni de vraie poésie. » (George SAND, Lettre à Charles Poncy, 24 août 1842, à Nohant, dans George SAND, Correspondance. 1812-1876, 4e éd., Tome II, 1883, Paris, éd. Calmann Lévy, p. 225).
  • 10
    « Le bon goût vient plus du jugement que de l’esprit. » (François DE LA ROCHEFOUCAULD, Réflexions ou sentences et maximes morales, 1664, Paris, éd. Didot [1815], p. 156, maxime n° 378).
  • 11
    « La difficulté du bon goût, ou plutôt de sa nature, à s’expliciter et se dévoiler sous la forme d’une argumentation rationnelle ne provient pas d’une sorte d’impuissance intellectuelle, mais réside plutôt dans la force propre de celui-ci, à savoir sa capacité à saisir spontanément l’hétérogène et le complexe. » (Bjørn SCHIERMER, « La raison sensible et ses limites : le bon goût, le mauvais goût et le sans goût », Sociétés, 2012/4, n° 118, p. 117-127, spéc. p. 119).
  • 12
    « Le goût se révèle donc comme une pratique incarnée qui exige un espace social et physique pour sa performance : elle est jouée par le corps et s’y inscrit. On met en relief de cette façon non pas ce que sont le goût et le bon goût en tant qu’abstractions, mais plutôt comment ils sont mis en scène dans un endroit et un milieu spécifiques. » (Erec R. KOCH, « La pratique du goût », op. cit., p. 45).
  • 13
    Bjørn SCHIERMER, « La raison sensible et ses limites », op. cit., p. 119.
  • 14
    « Celui qui a du goût a l’œil précis pour l’inexplicable dans l’œuvre d’art réussie : ce qui ne se laisse pas déceler par une « règle » ou qui ne peut se transposer en une méthode prête à l’emploi, mais qui malgré tout est logique ou simplement « vrai ». » (Bjørn SCHIERMER, « La raison sensible et ses limites », op. cit., p. 119).
  • 15
    « Faculté toute spontanée, qui précède la réflexion, que tout le monde possède, mais qui est différente chez chacun, et qui fait apprécier les beautés et les défauts dans les ouvrages d’esprit et dans les productions des arts […] » (LITTRÉ, Dictionnaire en ligne, Goût, 6).
  • 16
    « Au contraire du mauvais goût, le bon goût se déploie donc dans un moment de subjectivité authentique. Le bon goût est nécessairement propre au sujet qui l’éprouve et renvoie donc à la personnalité de l’individu. Ainsi, le bon goût nécessite de ne pas « juste » imiter et se contenter de suivre la mode. Pour être, il doit rester à l’écart des clichés et stéréotypes. » (SCHIERMER, « La raison sensible et ses limites », op. cit., p. 124).
  • 17
    « Le snobisme est une paresse de l’esprit qui nous fait accepter les valeurs toutes faites, qui nous suggère des goûts et même des émotions d’emprunt. » (Natalie Clifford Barney, Pensées d’une amazone, 1921, Paris, éd. Émile-Paul, p. 133).
  • 18
    « Le bon goût s’épanouit toujours dans un espace social de préférences partagées […] » (Bjørn SCHIERMER, « La raison sensible et ses limites », op. cit. p. 124).
  • 19
    « On atteint le statut de personne de bon goût en se comportant d’une certaine manière attendue, en exécutant des actes conventionnels et convenus. » (Erec R. KOCH, « La pratique du goût », op. cit., p. 45).
  • 20
    « Dans La Distinction, l’une des intuitions clefs de Bourdieu découle du glissement qu’il fait subir au goût, d’une faculté de discernement (faculté qui, historiquement, a résisté à toute définition précise et qui se résume par le « je ne sais quoi ») à une disposition qui génère des actions et des réactions attendues par la société. » (Erec R. KOCH, « La pratique du goût », op. cit., p. 45).
  • 21
    « Ce que je veux seulement, c’est vous persuader que le goût du riche n’est pas le goût du beau, et que le second seul doit être admis autour de vous, parce que seul il dénote une intelligence d’élite développée par une éducation parfaite… » (Mme la Comtesse DROHOJOWSKA, De la politesse et du bon ton ou Devoirs d’une femme chrétienne dans le monde, 2de éd., 1860, Paris, éd. Victor Sarlit, p. 18).
  • 22
    « Il [le goût] n’est jamais purement désintéressé, mais à tout le moins sert-il à exprimer l’appartenance, ou bien, peut-être, l’aspiration, à une classe sociale. Aucun objet de consommation culturelle ne trahit plus efficacement le rang social du sujet, selon Bourdieu, que les objets d’art ; c’est-à-dire, la gamme socialement variable des objets ciblés par les jugements du goût. » (Erec R. KOCH, « La pratique du goût », op. cit., p. 47).
  • 23
    « Ma grand-mère avait un esprit de discernement plus éclairé et d’une grande élévation naturelle. Elle voulait former mon goût et portait sa critique judicieuse sur tous les objets qui me frappaient. Elle me disait : « Voilà une figure mal dessinée, un assemblage de couleurs qui choque la vue, une composition, ou un langage, ou une musique, ou une toilette de mauvais goût. » Je ne pouvais comprendre cela qu’à la longue. » (George SAND, Histoire de ma vie, 1854-1855, Paris, éd. Victor Lecou, Tome neuvième, Partie III, chap. 1, p. 22-23).
  • 24
    « S’il y a un côté triste, c’est de voir la grossièreté et la profonde corruption du goût. Je n’ai jamais pensé que ma pièce [de théâtre] fût belle ; mais je croirai toujours qu’elle est foncièrement honnête et que le sentiment en est pur et délicat. » (George SAND, Lettre à Luigi Calamatta, 1er mai 1840, à Paris, dans George SAND, Correspondance, op. cit., p. 153).
  • 25
    « Le charme, l’humour chaleureux, le trait d’esprit, l’élégante extravagance et la politesse désinvolte exigent du goût. » (Bjørn SCHIERMER, « La raison sensible et ses limites », op. cit., p. 120).
  • 26
    « Le bon goust consiste à se former une idée des choses la plus parfaite qu’on peut, & à la suivre. » (Antoine FURETIÈRE, Dictionnaire universel, 1690, La Haye, éd. A. et R. Leers, Goust).
  • 27
    « Le goût, modalité de l’habitus, est une disposition et un principe génératifs de perceptions, de comportements et d’actions qui sont modelés socialement, pédagogiquement, et qui fondent les choix culturels : le goût fonctionne en tant que base de classement à la fois des objets et des sujets. Il n’est jamais purement désintéressé, mais à tout le moins sert-il à exprimer l’appartenance, ou bien, peut-être, l’aspiration, à une classe sociale. » (Erec R. KOCH, « La pratique du goût », op. cit., p. 47).
  • 28
    « Sur quelque préférence une estime se fonde, / Et c’est n’estimer rien qu’estimer tout le monde. » (MOLIÈRE, Le Misanthrope, 1666, Paris, Acte I, scène 1, vers 57-58).
  • 29
    « Je ne trouve pas de création plus jolie que ces combinaisons de métaux et de pierres précieuses qui peuvent réaliser les formes les plus riantes et les plus heureuses dans de si délicates proportions. J’aime à examiner les parures, les étoffes, les couleurs ; le goût me charme. Je voudrais être bijoutier ou costumier pour inventer toujours, et pour donner, par le miracle du goût, une sorte de vie à ces riches matières. » (George SAND, Histoire de ma vie, 1854-1855, Paris, éd. Victor Lecou, Tome neuvième, Partie III, chap. 2, p. 88).
  • 30
    « Dans le même sens, le mauvais goût est une forme de violence commise contre la spontanéité, l’ouverture d’esprit et la sensibilité qui caractérisent le bon goût. » (Bjørn SCHIERMER, « La raison sensible et ses limites », op. cit. p. 122).