La spiritualité

« La culture est ce qui fait d’une journée de travail une journée de vie. »1Citation attribuée à Georges DUHAMEL.

1. Essence de la spiritualité

1. On a coutume de distinguer entre le corps, l’esprit et l’âme. Cette (sainte) trinité est capitale, en ce qu’elle structure et ordonne l’existence de l’être. La spiritualité — qui s’oppose évidemment à la matérialité2« … les matérialistes auront beau soutenir le contraire, la pensée mène le monde. » (Jules ROMAINS, Knock ou Le triomphe de la médecine, 1923, Acte II, sc. 3, le pharmacien Mousquet au docteur Knock). — s’entend de l’activité de la « partie immatérielle de l’Homme »3Dictionnaire de l’Académie Française, 9e éd., Esprit, III, 2., qui se présente donc comme « dégagé[e] de la matière et des sens »4Dictionnaire Littré, Spiritualité, 3., comme impalpable, vaporeuse, éthérée. Ainsi définie, la spiritualité ne recouvre pas uniquement la vie de l’esprit (dont l’étymologie rappelle la proximité), mais également tous les mouvements et soubresauts de l’âme.

2. Contenu de la spiritualité

2. En conséquence, le champ de la spiritualité est vaste, qui embrasse l’activité mentale (intellectuelle et psychique), autant que celle de l’âme (énergétique et vibratoire)5L’activité mentale est le produit du cerveau ; elle est intérieure à l’Homme. L’activité de l’âme, en revanche, procède de la descente du ciel en l’Homme. Elle lui est donc à la fois intérieure (elle est incarnée en lui) et extérieure (elle est une portion de l’âme du monde).. La spiritualité et la vie de l’esprit — que l’on prend dans leur acception la plus large et tient, dans cette notice, pour synonymes — englobent l’intelligence et la sensibilité, la pensée et l’imagination, la conscience et l’inconscient, encore les sentiments et les émotions, les opinions et les idées, les connaissances et les croyances. C’est là le contenu de la vie intérieure, celle qui abrite le plein exercice de la pensée et qui, par l’expression et l’extériorisation, ouvre la voie à la création.

3. Beauté de la spiritualité

3. Le lecteur moderne — laïc par hypothèse — comprend donc que la spiritualité ne s’épuise pas dans la psychologie (quoiqu’elle puisse lui donner accès à son monde intérieur, notamment par la connaissance de soi). Il perçoit que cette vie désincarnée est plus complexe, plus belle également, qu’elle procède par tâtonnements, pérégrinations et circonvolutions, cherchant l’éveil, invoquant la perfection, touchant au sublime6Comp. « Tout ce qui a rapport aux exercices intérieurs d’une âme dégagée des sens, qui ne cherche qu’à se perfectionner aux yeux de Dieu. » (Dictionnaire Littré, Spiritualité, 2).. La spiritualité qui accomplit et parachève l’Homme7« La véritable grandeur de l’homme et ses vrais mérites ont leur principe et leur mesure dans cette vie intérieure. Tout ce qui n’est pas vrai, méritoire, heureux dans ce principe et dans cette mesure, ne l’est point véritablement, le fût-il au plus haut degré dans le jugement des hommes. Que d’actions d’éclat aux yeux du monde, même du monde chrétien et spirituel, qui seront des actions de ténèbres, ou tout au moins des actions triviales sans mérite et sans gloire aux yeux de Dieu, parce qu’elles n’auront point eu leur principe et leur racine dans cette vie intérieure ! » (Anonyme, Pratique de la vie intérieure, à l’usage des gens du monde, 2e éd., 1851, Lyon, impr. Pélagaud, pp. 43-44)., celle qui — plus que tout — donne du sens à l’existence8« […] la vie intérieure est la seule pratique, qui peut nous rendre heureux en ce monde. / C’est donc faire une grande injure à la vie intérieure, que de la peindre avec des couleurs noires, sombres et mélancoliques. Ce n’est pas là son portrait… » (Maximien DE BERNEZAI, Traité de la vie intérieure, 1862, Lyon, éd. Périsse Frères, Livre I, chap. 3, p. 26)., est par essence la vie animique9C’est-à-dire la vie de l’âme, celle qui anime l’être..

« Des idéaux ont suscité mes efforts et m’ont permis de vivre. Ils s’appellent le bien, le beau, le vrai. Si je ne me ressens pas de sympathie avec d’autres sensibilités semblables à la mienne, et si je ne m’obstine pas inlassablement à poursuivre cet idéal éternellement inaccessible en art et en science, la vie n’a aucun sens pour moi. »10Albert EINSTEIN, Comment je vois le monde, 1934, éd. Flammarion [2017], coll. Champs, p. 8.

4. Manifestations de la spiritualité

4. La puissance des facultés mentales est pratiquement infinie — s’il ne parvient pas à tordre les cuillères, l’esprit humain peut agir sur le corps et transformer le monde — mais l’âme attire l’Homme dans une communication avec d’autres plans, elle le connecte au divin, qu’il s’éprouve dans la musique ou la nature, qu’il se cache dans l’harmonie ou se tapisse dans l’amour.

5. Chaque fois que vous avez eu la chair de poule, les larmes aux yeux ou le cœur serré, chaque fois que de drôles de frissons vous ont parcouru l’échine, votre âme cherchait à vous mettre en présence de quelque chose de beau, de vrai, d’éternel. C’est l’âme qui dote l’humanité d’une force moins aride que celle de l’esprit, d’une énergie inspirée, toute nimbée de joie. C’est l’âme qui invite l’Homme au partage, qui l’engage à la générosité, qui l’exhorte à la mansuétude.

Références

Illustrations

  • 1
    Citation attribuée à Georges DUHAMEL.
  • 2
    « … les matérialistes auront beau soutenir le contraire, la pensée mène le monde. » (Jules ROMAINS, Knock ou Le triomphe de la médecine, 1923, Acte II, sc. 3, le pharmacien Mousquet au docteur Knock).
  • 3
    Dictionnaire de l’Académie Française, 9e éd., Esprit, III, 2.
  • 4
    Dictionnaire Littré, Spiritualité, 3.
  • 5
    L’activité mentale est le produit du cerveau ; elle est intérieure à l’Homme. L’activité de l’âme, en revanche, procède de la descente du ciel en l’Homme. Elle lui est donc à la fois intérieure (elle est incarnée en lui) et extérieure (elle est une portion de l’âme du monde).
  • 6
    Comp. « Tout ce qui a rapport aux exercices intérieurs d’une âme dégagée des sens, qui ne cherche qu’à se perfectionner aux yeux de Dieu. » (Dictionnaire Littré, Spiritualité, 2).
  • 7
    « La véritable grandeur de l’homme et ses vrais mérites ont leur principe et leur mesure dans cette vie intérieure. Tout ce qui n’est pas vrai, méritoire, heureux dans ce principe et dans cette mesure, ne l’est point véritablement, le fût-il au plus haut degré dans le jugement des hommes. Que d’actions d’éclat aux yeux du monde, même du monde chrétien et spirituel, qui seront des actions de ténèbres, ou tout au moins des actions triviales sans mérite et sans gloire aux yeux de Dieu, parce qu’elles n’auront point eu leur principe et leur racine dans cette vie intérieure ! » (Anonyme, Pratique de la vie intérieure, à l’usage des gens du monde, 2e éd., 1851, Lyon, impr. Pélagaud, pp. 43-44).
  • 8
    « […] la vie intérieure est la seule pratique, qui peut nous rendre heureux en ce monde. / C’est donc faire une grande injure à la vie intérieure, que de la peindre avec des couleurs noires, sombres et mélancoliques. Ce n’est pas là son portrait… » (Maximien DE BERNEZAI, Traité de la vie intérieure, 1862, Lyon, éd. Périsse Frères, Livre I, chap. 3, p. 26).
  • 9
    C’est-à-dire la vie de l’âme, celle qui anime l’être.
  • 10
    Albert EINSTEIN, Comment je vois le monde, 1934, éd. Flammarion [2017], coll. Champs, p. 8.