Hiérarchie
(Nom féminin — du grec ancien hieros, sacré, et arkhê, pouvoir)1. (Origine) Forme de pouvoir basée sur le sacré.
2. Institutionnalisation des manifestations de domination et de soumission ; ordre qui s’appuie tout entier sur des rapports de dominance ; organisation fondée sur la subordination des individus les uns aux autres, c’est-à-dire sur une graduation des pouvoirs et des prérogatives, traditionnellement représentée sous la forme d’une pyramide ou d’une échelle.
3. (Moderne) Réseau, toile sur laquelle les pouvoirs sont répartis et les responsabilités diluées ; enchevêtrement des pouvoirs et des contraintes.
0. Case départ. Vous êtes allé à l’école, vous avez choisi une spécialisation, vous avez fait des stages, vous avez cherché un poste, vous avez décroché un boulot, vous avez commencé à travailler… Et après ? Accomplir des tâches, répondre au téléphone, envoyer des mails, discuter autour de la machine à café, déjeuner avec ses collègues, rendre des comptes à son patron, aller en réunion, passer au service comptabilité ou RH… Tout mélanger et recommencer une nouvelle semaine, en attendant une augmentation, une promotion, une meilleure place, une nouvelle vie… Attendre et ne rien voir changer, se sentir à l’étroit dans son poste, jouer toujours le même rôle avec son chef.
1. Ce qu’on n’apprend pas. On apprend beaucoup de choses à l’école (appelez ça université, école d’ingénieur ou de commerce, centre de formation, comme vous voudrez), on y apprend plus qu’on ne croit mais on n’y apprend pas à vivre ni à évoluer dans le monde professionnel, pas plus qu’à gérer sa vie privée. On n’apprend pas à convaincre son patron, à négocier avec un fournisseur, à vendre ses projets ou à remplir ses objectifs. Ça, on l’apprend tout seul en observant sa famille, ses enseignants, en discutant avec les copains, puis les collègues, en lisant des articles de blog, des livres de développement personnel ou de productivité, en demandant conseil au conjoint et aux amis. Bref, on apprend le plus important sur le tas, avec les moyens du bord.
2. Omniprésence des hiérarchies. Que vous soyez salarié ou indépendant, vous passez vos journées de boulot (et même vos week-ends) à interagir avec d’autres gens qui n’ont pas nécessairement un statut équivalent au vôtre : responsable, stagiaire, subordonné, client, fournisseur, collègues, vendeur, serveur. La complexité du monde actuel est telle qu’il est rare que deux personnes interagissant ensemble soient sur un même pied d’égalité. Il y a les différences de statut gravées dans le marbre (employeur / employé) mais il y a aussi toutes celles qui découlent des situations et des personnalités : on prend de haut les petits clients, on fait des courbettes aux gros ; on se la joue avec un collègue juste arrivé mais on évite les plus diplômés ; on est familier avec certains chefs, pas avec d’autres.
3. Pyramides et réseaux. On présente généralement les hiérarchies sociales comme des pyramides, particulièrement dans le monde professionnel où l’organigramme de la boîte prend la forme d’un arbre généalogique inversé. Dans la réalité, les choses sont beaucoup plus difficiles à appréhender. À la structure verticale des années 50, a succédé une organisation plus différenciée, plus en entités ou en réseaux : la division de l’entreprise en secteurs, l’existence de directions transversales et la présence d’équipes support font qu’on sait qui sont ses supérieurs ou subordonnés immédiats mais qu’on ne sait plus, dès qu’on travaille avec d’autres équipes, comment s’établissent les rapports de hiérarchie. Il faut parfois faire valider un travail par quelqu’un qui n’est pas son supérieur et qui, en cas de conflit, n’aura pas les coudées franches pour trancher.
4. Agir dans la verticalité. Identifier les interlocuteurs, déléguer au stagiaire, répondre au client ou rendre des comptes à son chef : il faut sans cesse changer de casquette et savoir sur quel pied danser. La hiérarchie de votre boîte n’est pas une échelle bien droite mais un enchevêtrement, un réseau, une toile sur laquelle les pouvoirs sont répartis et les responsabilités diluées. Il n’empêche qu’à chaque instant, vous savez si vous êtes en position de force ou pas, si l’inégalité de la relation joue en votre faveur ou non, et dans quelle proportion.
5. Tour à tour, vous jouez une multitude de rôles, que l’on peut classer en deux catégories : les managers ou les managés, les dominants ou les dominés. Ainsi, comprendre comment les hiérarchies fonctionnent permet aussi bien d’apprendre à gérer son patron qu’à manager son équipe. Au-delà, cette prise de conscience permet d’être plus à l’aise dans sa boîte et dans son poste. Elle peut enfin pousser au changement dans l’entreprise (promotion interne), dans une autre entreprise (nouveau poste), voire dans sa propre boîte quand on ne peut tout simplement plus supporter d’avoir un patron au-dessus de soi (création d’entreprise).
Illustrations
- Jean-Georges VIBERT, Le dîner du chanoine, 1875, coll. particulière.
- Jean-Georges VIBERT, Son éminence revient, vers 1860-1870, Haggin Museum, Stockton (Californie).
- Jean-Georges VIBERT, Le retour des reliques, fin XIXe s., coll. particulière.